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Les démocrates congolais pleurent maître Hervé Ambroise Malonga

Congo B
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Les cimetières du Congo sont pavés d’illustres disparus. Le dernier d’une longue liste, à rejoindre le panthéon des grands hommes qui auront combattu Sassou et sa dictature armée, non pas à coups de bazooka, mais à mains nues avec le verbe et le mot pour seules armes, c’est maître Hervé Ambroise Malonga, décédé ce 11 juin à Brazzaville.

Aujourd’hui, j’ai des larmes et le cœur qui saigne. Mes larmes ne sont pas des larmes de joie, mais des larmes de tristesse. Comme nombreux avant lui, un homme talentueux s’en est allé, victime de la barbarie d’un tyran et ses hommes aux méthodes de gros voyous, des méthodes musclées faites de sévices et de tortures en tous genres pour faire taire toute voix contestataire.

Un séjour dans les locaux de la DGST (la police politique de Sassou) puis de plusieurs mois en prison, ont eu raison de lui. Connu pour sa verve et son franc-parler, cet avocat engagé, en sortira traumatisé avec des séquelles irréversibles liées aux nombreuses simulations d’exécution et de noyade qu’il aura subies tout le long de sa détention. D’ailleurs, il choisira d’en parler en guise de thérapie, pour édifier l’opinion sur les méthodes de Sassou et ses hommes, qui renvoient à une autre époque. Torturé, maître Hervé Malonga sera empêché d’aller se faire soigner en France. Mais quel cynisme ?

Il s’en est allé, l’avocat des causes justes. Celui de la démocratie et celui des disparus du Beach. Sans doute, le fait d’avoir été celui de Marcel Ntsourou lui a été fatal. Le pouvoir, convaincu que Ntsourou, un ancien baron de ce régime mort dans des conditions suspectes, lui aurait fait des confidences croustillantes sur les secrets les mieux gardés de la dictature Sassou. Si tel était le cas, nous espérons que Maitre Malonga ne les aura pas emportés avec lui, en ayant pris au préalable tout le soin d’en parler aux tierces personnes pour la postérité.

Une victime de plus du règne Sassou, où parler est un crime. Rêver est un crime. Critiquer, est un crime. Dénoncer, est un crime. Contester, est un crime. Rêver du changement, est un crime. Même le droit de se faire soigner hors des frontières quand on est opposant, est un crime. Le règne Sassou, c’est la page la plus sombre de l’histoire de notre pays, près de 40 ans, et l’addition en vies humaines est horriblement salée. Une véritable hécatombe.

Nous n’en serions pas là, et Maître Hervé Ambroise Malonga, comme nombreux autres de nos compatriotes victimes de ce système, seraient toujours de ce monde, si seulement, à la conférence nationale, nous n’avions péché par pure naïveté, puis lors du règne Lissouba, en croyant qu’un assassin pouvait devenir un enfant de cœur. Combien de vies innocentes aurions-nous ainsi pu épargner ? Plusieurs centaines de milliers. Qu’avons-nous fait depuis pour arrêter ce cycle infernal ? Absolument rien. Bien au contraire, impassibles et les bras croisés, nous assistons impuissants cette machine à tuer, broyer tout ce qu’il trouve sur son chemin.

Jean Marie Mokoko a été arrêté, personne n’a bougé. André Okombi arrêté, personne n’a moufté. Paulin Makaya arrêté, personne n’a levé le doigt. On me dira que ceux-là ne sont pas des chevaux blancs. Soit. Et tous les autres civils arrêtés et jetés en prison, comme les Jean Ngouabi, Anatole Limbongo-Ngoka, Jacques Banangadzala, Martin Madébana, Narcisse Mazouta, Jean Claude Sita, Geoffroy Danghat et tous les autres visages que nous avons découverts et qui se sont opposés au viol de la constitution par Sassou ?

En réalité, notre problème est ailleurs. Tribalisés à outrance, nous sommes devenus individualistes. Tellement individualistes que, tant que le malheur ne frappe pas à ma porte, on ne se sent nullement concerné. C’est là, tout notre drame et le pari réussi par Sassou. D’où sa longévité.

Je le dis. Ce système tel qu’il est, n’est bon pour personne. Ni pour les vrais opposants qui le combattent farouchement au péril de leur vie, ni pour ceux qui, se croyant à l’abri, le soutiennent mordicus. A ceux qui le soutiennent aujourd’hui, ayez toujours à l’esprit les cas Dabira, Marcel Ntsourou et tous les autres qui ont servi ce régime. Hier, en odeur de sainteté, aujourd’hui, on sait comment ils ont fini.

Pour conclure, sans avoir la prétention de vouloir choquer personne, je dirai, nous sommes collectivement coupables de ce qui nous arrive, mais aussi, de la mort du maître Hervé Ambroise Malonga.

Jean Claude ITOUA

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