Le Congo a annoncé la découverte d’un gisement important de pétrole dans la Cuvette le samedi 10 Août 2019. L’annonce faite en grande pompe en présence de la quasi-totalité du gouvernement s’inscrit dans un contexte où le pays traverse une grande crise financière et vient de signer un accord financier avec le FMI pour stabiliser sa situation macroéconomique, puis de relancer l’économie du pays. C’est dans le village natal de l’actuel chef de l’État, village qui tend à devenir le centre des affaires politiques et administratives, que cette découverte importante a été rendue publique.
Alors que dans les milieux proches du pouvoir cette annonce a été accueillie avec grande satisfaction, l’information a en revanche suscité beaucoup de doutes dans le milieu des congolais qui voient dans celle-ci une simple opération de propagande visant à faire diversion sur la situation difficile que traverse le pays. Les critiques les plus élaborées expliquent à leur tour que le gisement se trouve encore dans une longue phase d’études techniques sismiques ayant commencé depuis les années 80, lesquelles ont impliqué d’autres acteurs, comme la compagnie Pilatus Energy autrefois détenue par le sieur Loïk Le Floch- Prigent, ancien PDG d’ELF et jadis proche du président Sassou.
Dans tous les cas, il faut noter que même le porte-parole du gouvernement, devenu très silencieux aux sollicitations de Global Witness et des organes de presse à la suite de la révélation du détournement des caisses de l’État de 50 millions de dollars par le fils du président, a repris du service sur toutes les plateformes des réseaux sociaux pour expliquer l’importance que ce gisement représente pour le Congo.
En effet, le potentiel de production du gisement est énorme et représenterait 983 000 barils par jour, qu’il faut comparer avec la production actuelle d’environ 350 000 barils laquelle fait du Congo le troisième producteur de pétrole en Afrique sub-saharienne, bien sur loin derrière le Nigeria et l’Angola.
Toutefois, passée la phase de l’annonce, le Congo devra faire face aux défis majeurs liés à la mise en exploitation de ce gisement capable de quadrupler la production du pays.
Le premier défi est écologique car cette zone de la Cuvette est un lieu écologique très sensible. Il s’agit d’un écosystème hébergeant à la fois des espèces menacées et des espèces n’ existant uniquement dans la région du Bassin du Congo
Le président du Congo qui s’est fait le champion de la protection environnementale notamment avec son projet pompeux de fonds bleu devra expliquer à tous nos partenaires qu’on peut être à la fois le champion de la conservation de l’environnement et le menacer sérieusement, et cela de façon irréversible avec une exploitation des hydrocarbures dans une zone riche en faune et flore. D’aucuns diront qu’avec une bonne maîtrise du double langage, comme savant le manier les autorités congolaises, on peut s’en sortir pour affirmer une chose et son contraire.
Source africanews
Le deuxième défi, en revanche, est plus contraignant. Il concerne les compagnies qui ont la charge d’exploiter le pétrole de ce gisement. Les deux compagnies qui ont présenté le gisement, la Société africaine de recherche de pétrole et de distribution SARPD-Oil et PEPA appartiennent toutes les deux à Wilfrid Etoka, un homme proche du président de la République. Celui-ci a fait fortune d’une manière controversée en jouissant de contrats gracieusement octroyés en toute opacité dans le secteur pétrolier congolais. Les deux compagnies de Wilfried Etoka ne disposent ni de l’expertise technique dans le domaine de la production pétrolière ni d’une surface financière importante pour faire face à des investissements colossaux dans le domaine.
Les détracteurs de M. Etoka ont beau jeu de rappeler que cet homme n’a même pas été capable de produire de l’huile de palme avec sa société Eco-oil, laquelle aurait bénéficié de l’octroi d’une palmeraie au Nord du pays dans des conditions très généreuses. Quel miracle va-t-il alors opérer pour réussir dans une industrie plus lourde ?
L’unique chance de mener à bIien ce projet serait de former une joint-venture avec des compagnies ayant les capacités techniques et financières. La question est de savoir si les compagnies pétrolières majeures ayant l’expérience d’agir, comme la compagnie opératrice sur un gisement, pourront se lancer dans cette aventure, au regard des exigences environnementales autour de ce gisement, mais aussi la qualité du partenaire soupçonné d’alimenter les réseaux de corruption dans le secteur pétrolier du Congo.
Le troisième défi, qui n’est pas des moindres, est celui de transporter le brut jusqu’à un terminal de chargement. Pour cela, il faudra construire un pipe-line allant de la zone d’exploitation dans la Cuvette jusqu’à l’océan. Encore un défi technique et financier.
Dans le passé, la Banque Mondiale finançait des projets de ce type dans le secteur des énergies fossiles mais, depuis le sommet de Paris sur le climat en décembre 2017, la Banque mondiale a annoncé qu’elle ne financerait plus des industries gazière et pétrolière au-delà de 2019, afin d’aligner sur les objectifs de l’accord de Paris ses financements accordés aux États.
Avec la liste non exhaustive des défis, il faut craindre que la liesse de l’annonce retombe assez vite car on sait que dans l’histoire du Congo, et même de partout le monde, des annonces de découvertes de ce type sans que les gisements livrent par la suite une goutte de pétrole. Le cas le plus récent dans notre pays est celui du gisement de pétrole onshore à partir des sables bitumineux mis à jour par la compagnie ENI. Situé dans la zone du Lac Kitina, ce gisement, comme celui de Ngoki, suscitait beaucoup de préoccupations sur le plan environnemental.
En annonçant en grande pompe la découverte du gisement Ngoki, les autorités congolaises avaient-elles en tête les prochaines étapes ? Est-ce qu’en quête d’argent frais, lequel n’est pas venu du FMI, les autorités ont fait le pari d’annoncer des barils de pétrole qui donneraient accès à un préfinancement ?
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