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Nguesso : après moi le déluge ?

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Tribune libre

Hier 21 février 2015, on commémorait le 50è anniversaire de la mort de Malcom X, le leader afro américain assassiné par le FBI.

Presqu’un an avant jour pour jour, le 25 février 1964 avait eu lieu à Miami un grand combat de boxe entre Sonny Liston, champion sortant et Cassius Clay. Le combat paraissait déséquilibré entre un des punchers les plus puissants de l’histoire de la boxe, qui avait détruit tous ses adversaires au premier round, dont Floyd Patterson par deux fois et le futur Mohammed Ali qui n’affichait alors qu’un titre olympique conquis en 1960 et dix-neuf combats professionnels.

Pourtant, interrogé avant le combat, Malcom X pronostiqua sans hésitation la victoire du jeune Cassius Clay. La raison : Cette victoire, expliqua-t-il, allait dans le sens de l’histoire. Pour lui Liston, trente-deux ans à l’époque, allait nécessairement être battu car il ne pouvait rien faire contre le vent nouveau.

Ainsi en est-il de Sassou Nguesso aujourd’hui au Congo. Après plus d’un quart de siècle au pouvoir, il semble avoir tout pour lui : la fortune par milliards, la force militaire, le carnet d’adresses, un parti godillot… Face à lui l’adversaire se présente sous la forme d’une opposition émiettée mais s’appuyant sur une population jeune et appauvrie laquelle surfe sur les nouvelles technologies et surtout prête à en découdre. Mais également, il y a l’air du temps, il y a l’opinion internationale qui n’accepte plus de voir des chefs d’Etat modifier des constitutions à leur guise, dans l'unique but de s’éterniser au pouvoir.

Bien entendu, Sassou, habitué au pouvoir depuis le début des années 70 tentera de toutes ses forces de s’y accrocher malgré le vent du changement qui souffle un peu partout en Afrique.

L’habitude des ors de la République est tellement ancrée chez lui et au sein de son clan qu’il n’abandonnera rien sans combattre, les richesses accumulées étant immenses : la ville d’Oyo et son aéroport privé d’Ollombo, sortis des marécages, devenue en quelques années une cité moderne avec gymnase, hôpitaux, hôtels de standing, villas de luxe, qui risque de subir demain, hélas, le sort de Gbadolité, village de Mobutu englouti par la brousse ; ses avions (Falcon, boeing) et hélicoptères ; ses participations dans diverses sociétés au Congo et à l’étranger, les immeubles et palais, bref toute une fortune amassée des années durant sur le dos des Congolais.

Mais il n y a pas que ses biens propres. N’oublions pas les intérêts du clan, ceux des Nguesso, à commencer par ceux de son frère Maurice, lequel possède une compagnie aérienne, une très grande société de sécurité, une grande chaine de télévision et diverses sociétés et participations dans le pétrole et dans d'autres secteurs.

Enfin les gigantesques intérêts de sa progéniture, des cousins, des neveux, des oncles que sont les Christel, Willy, Claudie, Juju, JDO, Edgar, Bouya, Yoka, etc… sont également à sauvegarder.

C’est au regard de tous ces intérêts qu’on comprend que Sassou ne soit pas prêt à lâcher son fromage aux rats des champs sans se battre. Il a même prévu, le cas échéant, d'essayer de faire élire (c’est-à-dire de nommer) l’un des siens (son fils ou son neveu) à sa place, histoire de permettre à son clan de continuer à jouir de sa fortune. D’ailleurs, il l’avait expressément exprimé en langue mbochi à ses parents dans son village, expliquant qu’il n’était pas fatigué de régner, qu’à Nguélé (Brazzaville) il ne voyait personne de taille à lui contester son pouvoir…

Au souci de protéger sa fortune s’ajoute la menace réelle et redoutée de finir sa carrière derrière les barreaux humiliants de la CPI, avec des affaires telles celle des « disparus du Beach » ou celle des biens mal acquis.

Le procès de Karim Wade au Sénégal où le procureur spécial a requis hier à l’encontre du fils de l’ancien président une peine de 7 ans d'emprisonnement pour enrichissement illicite et corruption, et une amende de 250 milliards de francs CFA a sans doute de quoi le faire réfléchir.

C’est là qu’on comprend que notre cher beau pays le Congo risque de connaître des années très difficiles car se débarrasser des Nguesso ne sera pas une partie de plaisir, le dictateur ayant pris ses précautions en s’armant à outrance, notamment à Tschambitcho, en opérant de longue date un recensement de la population où le Nord du Congo est subitement devenu plus peuplé que le Sud, bref en pipant le processus électoral.

Certes, le pire n’est pas toujours sûr mais il y a des raisons de s’inquiéter quand on voit comment d’un côté la population et la majorité des partis politiques sont massivement contre le changement de constitution alors que d’un autre côté le PCT, un parti autiste, crée des coquilles vides sous forme d’associations et de partis politiques censés renforcer le camp du pouvoir pour demander que Sassou meure au pouvoir.

De même, il n’est guère rassurant de voir comment le pouvoir tente d’ores et déjà de  « créer une situation » de violence, en organisant des exercices de maintien de l’ordre en pleine ville, en s’attaquant à un convoi d’Okombi Salissa ou en désignant - par journaux interposés qu’il contrôle - les hommes à abattre qui ont pour noms : Mgr Portella, Kolelas, Okombi Salissa, Tstaty Mabiala, Miérassa ou Dzon.

Face à cette quadrature du cercle, Claude Alphonse N’silou, bien placé pour connaître l‘homme, l’état de sa fortune et sans doute sa propension à vouloir pratiquer la politique de la terre brûlée, le « après moi le déluge », avait suggéré qu’on réfléchisse sur un statut de dictateur déchu destiné à lui assurer l’impunité. Une piste à creuser, la fin justifiant (pour l’instant) les moyens.

Quoiqu'il en soit pour l’heure, le dictateur déroule la stratégie qu’il avait élaborée de longue date, à savoir concentrer les annonces et inaugurations en 2015 et en 2016, année électorale. Ainsi on l’a ainsi vu recevoir des bus pour le transport urbain (pour circuler sur quelles routes ?), inaugurer le marché Total à Bacongo, l’amphithéâtre de l’université. Le choix du Congo d'organiser les Jeux africains cette année à Brazzaville ne relève certainement pas du hasard.. Mais cela suffira-t-il ? Pas sûr car les Congolais regardent déjà vers un horizon débarrassé des Nguesso.

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