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Sassou suscite la méfiance

politique
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Les chefs d’Etat d’Afrique Centrale, armés d’une prudence de sioux, ont brillé par leur absence remarquée à Oyo/Edou.

 Tribune libre

Revenu au pouvoir en 1997 à la faveur d’un putsch sanglant, renversant Pascal Lissouba ainsi que la jeune démocratie en pleine construction, arrachée de haute lutte syndicalo-ouvrière chère à Dieudonné Tsati, doyen rouge, à la conférence nationale souveraine, Denis Sassou Nguesso n’intrigue pas seulement les populations du Congo-Brazzaville. Mais aussi au-delà. Il suffit de jeter un regard sur la liste des chefs d’Etat présents à Edou à l’occasion de la célébration du cinquième anniversaire du décès en 2009 d’Edith Lucie Bongo au Maroc pour lever toute équivoque.

Confiance ne rime pas avec Sassou

En effet, les chefs d’Etat d’Afrique Centrale, armés d’une prudence de sioux, ont brillé par leur absence remarquée. Sa réputation d’homme sans parole, déstabilisateur des pays voisins (Cf. Quand Sassou Nguesso complotait contre le Président équato-guinéen Théodoro Obiang Nguema in congo-liberty.com, 9 mars 2014), d’arrogant, de manipulateur, de poseur de chausse-trappes et de tricheur s’étend au-delà des frontières nationales. «On est plus souvent dupé par la défiance que par la confiance», écrivait le cardinal de Retz. En d’autres termes, mieux vaut un pari risqué qu’un repli qui laisse décider les autres. Car, in cauda venenum, il vaut mieux apprivoiser un serpent cobra que de placer sa confiance dans le cœur de Sassou Nguesso. Le naïf colonel téké Marcel Ntsourou vient de l’apprendre à ses dépens. Sa peine de 5 ans de prison avec sursis prononcée à l’issue du procès de l’explosion du 4 mars 2012 a été transformée en prison ferme par la Cour suprême de Brazzaville.

Suivant les règles de la procédure, la Cour suprême, plutôt que de « requalifier le sursis en prison ferme », aurait dû simplement casser la décision et renvoyer l’affaire devant une autre juridiction ou la même composée d’autres magistrats, selon les règles de l’art que n’ignorent pas Aimé Emmanuel Yoka et Bienvenu Okiémi, les deux plus grands juristes du clan qui se sont comporté comme un « éléphant dans un magasin de porcelaines ». Si la Cour suprême a « révoqué le sursis », comme le soutient Aimé Emmanuel Yoka, le juriste conseil du clan, cela voudrait-il dire que cette juridiction, qui n’en a du reste pas la compétence, aurait évoqué et jugé les faits qui ont conduit récemment à l’arrestation musclée de Ntsourou et que, sur cette base, elle a révoqué le sursis prononcé par les juges du fond ? (Cf.Yoka et la cour suprême condamnent Ntsourou à la prison ferme, mwinda.org 18 mars 2014). Une décision prononcée par le vice-président de la Cour suprême qui disqualifie définitivement la justice du Congo-Brazzaville. Pour avoir statué en première instance sur le renvoi de l’affaire de l’explosion de la poudrière de Mpila devant la Cour d’appel du tribunal de grande instance de Brazzaville, le président Placide Lenga, malin comme un vieux singe, a trouvé de bonnes raisons pour se débarrasser de la patate chaude, refilant ainsi le « bébé » à son vice-président chargé de la sale besogne. Sassou Nguesso, Aimé Emmanuel Yoka et Bienvenu Okiémi ont sapé ainsi donc les fondements du droit du Congo-Brazzaville.

Lait sur le feu

L’ancien marxiste primitif qui défilait en uniforme militaire vert olive, foulard rouge enroulé au cou et pistolet accroché à la ceinture, est surveillé de près par les chancelleries africaines et occidentales, comme le lait sur le feu. Roulant des mécaniques dans la résolution de la crise centrafricaine dans laquelle il s’est auto-désigné médiateur et faisant pis que pendre aux chefs d’Etat de la sous-région de l’Afrique, Sassou Nguesso est-il un hâbleur (grandes promesses, slogans grandiloquents, piètres résultats) qui s’obstine à attirer la lumière vers lui ? La manière dont le tsar d’Oyo utilise les deniers de l’Etat pour soigner son image personnelle à l’international fournit un bel exemple de la façon dont la frontière entre l’intérêt général et abus peut être allégrement franchie. Sassou Nguesso qui vient d’accorder un crédit de 5 milliards de francs CFA à l’équipe de Catherine Samba-Panza en sus de 25 milliards de francs CFA lâchés à Michel Djotodia pour l’entretien des miliciens de la séléka a semé une belle pagaille entre la BEAC, le gouvernement d’André Nzapayéké et la MISCA. Cet imbroglio financier a eu pour source une incompréhension due au fait que, lors de la réunion des donateurs sur la Centrafrique, Sassou Nguesso, qui a pris un melon, avait parlé au nom des 10 pays membres de la CEEAC. Ce dernier avait annoncé au nom de la communauté une contribution de 100 millions de $ à raison de 10 millions de $ apportés par chaque État membre de la CEEAC. Les fonds réunis dans ce cadre seraient destinés à la Mission de soutien en Centrafrique (Misca). C’est précisément cette phrase qui a créé l’imbroglio entre la BEAC, le gouvernement Nzapayéké et la MISCA. A la grande satisfaction de Sassou Nguesso.

« Qui paie commande »

Les chefs d’Etat de la CEAC, au premier rang desquels figure Sassou Nguesso du Congo-Brazzaville, s’écharpent sur le nom du futur patron de la force de l’ONU. Agissant avec la délicatesse de la charge de division blindée, Sassou Nguesso a fait des propositions qui énervent encore plus. Fort de la diplomatie du pétrole inspirée par Vladimir Poutine, Sassou Nguesso, dont le pays dispose de réserves de plus de 3 000 milliards de francs CFA, revendique sans sourciller que le commandement de la force de l’ONU en RCA revienne impérativement à des officiers généraux qui connaissent bien le sol sur lequel ils feront manœuvrer leurs troupes et, plus encore, le peuple auquel ils devront porter secours, selon le postulat : «qui paie commande». Pour Sassou Nguesso, qui ne s’embarrasse pas de scrupules, écrasant de son mépris les autres chefs d’Etat d’Afrique Centrale, c’est clair, la direction de la future force d’intervention en Centrafrique doit être confiée à un homme originaire du Bassin du Congo. L’allusion au général makoua du Congo-Brazzaville, Jean Marie Michel Mokoko, est à peine dissimulée, conformément à l’offensive de charme dirigée en direction du groupe ethnique makoua, prélude à la modification de la Constitution de 2002, après l’arrestation/libération du colonel Germain Ickonga Akindou, dilapidateur de près de 490 millions de francs CFA destinés à la construction des soutes militaires.

Avec Sassou Nguesso, Aimé Emmanuel Yoka, Bienvenu Okiémi, le PCT et les épigones du « chemin d’avenir », dans le domaine du droit comme celui des relations internationales, le Congo-Brazzaville a perdu la bataille de la respectabilité après celle de la crédibilité.

Benjamin BILOMBOT BITADYS