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Brazzaville contre Sibiti : la guerre du dialogue

politique
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Tribune libre

Denis Sassou Nguesso a du pain sur la planche. Il marche également (selon un journaliste de sa presse) sur une planche savonnée par ses partisans de Sibiti pensant lui construire une fortification en béton. Sur son bureau de travail se trouvent posées les conclusions issues des travaux de deux grand-messes politiques et sur lesquelles il est tenu de plancher. On peut penser qu’il est face à un dilemme.

Il y a d’un côté, les recommandations de Sibiti prônant le changement de la Constitution du 20 janvier 2002 et, il y a, de l’autre, les résolutions du dialogue alternatif de Brazzaville tenu du 26 au 29 juillet 2015 appelant au respect de l’ordre constitutionnel. Voilà, à l’heure de la mondialisation et des enjeux de l’environnement, à quoi se réduit le débat politique au Congo-Brazzaville, pays miné par le chômage, la pauvreté, la misère, la corruption, les inégalités sociales...

Entre les deux camps qui s’observent en chien de faïence, la guerre de dialogues est engagée. Et, parmi les principales idées émises par les deux dialogues, Denis Sassou Nguesso devra trancher. De quel côté penchera son cœur quand on sait qu’il a davantage un faible pour Sibiti où il a cherché à rouler dans la farine ceux qui s’opposent au changement de la Loi ? Le cœur du boulanger Sassou Nguesso fera semblant de balancer, histoire de faire illusion d’impartialité. En fait de dilemme, il n’en est rien.

Sifflements d’oreilles

La solitude sur le plan international de Sassou Nguesso contraste avec la solidarité aveugle, l’enthousiasme illimité et le jusqu’au-boutisme radical affichés par les camarades membres du PCT voguant sur un bateau ivre, à contre-courant de l’Histoire. Cette dynamique rétrograde est en parfaite contradiction avec le message de Barak Obama sur le respect des lois. Les oreilles du tyran congolais ont dû beaucoup siffler cette semaine où le président afro-américain, Obama, a fustigé à Addis Abeba la façon dont les Présidents africains s’agrippent au pouvoir en dépit du bon sens et de toute logique. Sans citer Sassou, tout le monde entendait le nom de Sassou dans les coups de semonce faits par Obama aux autocrates noirs, adeptes des pouvoirs à vie.

Union sacrée

Excepté quelques partis et associations crées, à l’occasion, à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes, une union sacrée s’est constituée autour du « NON » au changement de la Constitution du 20 janvier 2002. Le camp du « NON » ne désemplit pas. Sur ce terrain, le dialogue de Brazzaville a marqué des points.

Des Institutions fortes

Les conclusions des travaux de Brazzaville résonnent en écho aux vœux exprimés par le Président américain Barak Obama lequel s’est clairement prononcé contre les présidences à vie. Barak Obama a abordé avec franchise les problèmes des Droits de l’Homme, de corruption et de gouvernance. Au Caire, en Egypte, Barak Obama avait déjà expliqué que l’Afrique « n’avait pas besoin d’hommes forts mais d’institutions fortes ». A Addis Abéba, le président américain est allé encore plus loin, n’hésitant pas à mettre les africains devant leur responsabilité face au manque d’alternance, aux violations des droits de l’Homme et au cancer de la corruption.

Ce qui s’est dit à Diata

Saisissant la balle au bond, les participants au dialogue de Brazzaville, qui avaient reçu le renfort de Guy Brice Parfait Kolelas, André Okombi Salissa, Claudine Munari, Mabio Mavoungou Zinga, Serge Blanchard Oba et Mafimba Motoki ont lancé un appel solennel au peuple congolais « à la résistance héroïque pour défendre l’ordre constitutionnel au cas où celui-ci venait à être violé  ». Il a été rappelé que « la résistance à l’oppression est un droit naturel dont l’usage ne nécessite aucun protocole ».

Si à Sibiti on lui a savonné la planche, à Diata, on lui a mis un caillou dans ses chaussures Weston. Autant dire que son sort est lié à jamais.

Repli frileux

Denis Sassou Nguesso aura-t-il un sursaut républicain en épousant les conclusions de Brazzaville ? Ou s’alignera-t-il sur les positions mijotées par les faucons du PCT à Sibiti ? Cercle vicieux, cercle vicié. Sur le changement de la Constitution du 20 janvier 2002, Sassou et le PCT semblent repliés frileusement sur leurs certitudes. Sassou semble historiquement incapable de sortir du cercle en prenant de la hauteur, car peu habitué au vertige des sommets où se prennent les décisions qui changent le cours des choses dans le sens de l’Histoire.

Le goût du pain

Dans une solitude inquiétante, surtout après le discours de Barak Obama du 28 juillet 2015 au siège de l’Union Africaine à Addis Abeba en Ethiopie, et le dialogue de Diata - Brazzaville, l’homme paraît préoccupé par le pain que la fin de son régime va lui ôter de la bouche et, pire, au régime de pain sec qui l’attend en taule si la CPI examine les crimes contre l’humanité dont on le soupçonne avoir commis dans son pays entre 1999 et 2000. (cf. site Opinion Internationale, mercredi 29 juillet 2015).

Benjamin BILOMBO BITADYS

Notre commentaire

La réalité c’est que Sassou, depuis le début, était parti sur le schéma suivant : il n'y aura pas de consensus sur l'idée, créée de toute pièce, de changer la Constitution. En conséquence, il appellera le peuple à trancher par référendum avec une victoire volée du oui à la clé, et le tour est joué.

Là-dessus arrive son voyage à l'Elysée avec un communiqué des bords de Seine qui laisse entendre qu'on peut changer la constitution à condition d'avoir un consensus de la classe politique.

Dès ce moment, l'absence de consensus qui devait permettre de justifier le référendum est mise entre parenthèses. Il faut à présent obtenir un consensus. C'est ce que le PCT a essayé de faire à Sibiti, sans succès. Le communiqué de ce dialogue a appris aux Congolais que trois lignes s'étaient dégagées là-bas et qu'il n'y a donc pas eu consensus.

Quelques jours plus tard, Ngolo, chef délégué du PCT à la présidence de la République, s'est rendu compte de la bourde et a dû convoquer illico une conférence de presse pour se raccrocher aux branches et expliquer qu'on avait mal lu le communiqué de Sibiti, qu'il y avait bien consensus sur le changement de constitution.

Hélas, mille fois hélas, il s'est tenu à Brazzaville quelques jours plus tard un dialogue alternatif qui est venu tout foirer et démontrer qu'il n'y pas de consensus de la classe politique sur cette question.

Dès lors Sassou se trouve face à une alternative :

- s'appuyer sur le "consensus " de Sibiti et ignorer le dialogue de Brazzaville pour organiser un référendum une nouvelle constitution qui lui permettrait d'être président à vie. Un coup d'Etat.

- considérer qu'il n'y a pas de consensus et poser la question au peuple via un referendum sur le changement ou non de constitution. Un coup d'Etat.

- enfariner tout le monde en donnant du travail Iloki et à ses camarades de la Cour constitutionnelle croupion au chômage technique depuis des années, en leur posant la question de la légalité du référendum et en organisant ensuite ce référendum.

- suivre les recommandations du dialogue alternatif, ce qui signifiera que la Constitution sera inchangée ou révisée et donc qu'il ne serait pas candidat en 2016. Une attitude démocratique.

Connaissant de longue date Sassou et au regard des cadavres qu'il a dans ses placards, compte tenu de son passé de putschiste et de son goût du sang, personne n'ira croire que le dictateur infatigable se déjugera, puisque chacun sait que les conclusions du dialogue de Sibiti ont été conçues dans son palais, sur ses recommandations.

Il ne faudrait quand même pas prendre Sassou pour Mandela !

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