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P.M. Mpouélé : " Nous entendons conquérir le droit de nous exprimer librement quel que soit le prix à payer "

politique
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Interview exclusive de M. Paul Marie Mpouélé, coordonateur du Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel, opposition congolaise.

Journalmwinda : En Janvier 2015 vous avez formé le Front républicain pour le respect de l’ordre constitutionnel. Les deux franges de l’opposition autrefois dites opposition radicale et opposition républicaine participent à ce front. Pouvez-vous nous parler de l’ambiance de travail entre les personnalités de ce front qui hier encore avaient du mal à s’asseoir autour d’une même table ?

Paul Marie MPOUELE : L’ambiance est très détendue. Il est vrai que certains acteurs politiques de l’opposition se regardaient hier en chiens de faïence, mais ils ont su placer l’intérêt supérieur au dessus de leurs égos. Tout se passe bien, en termes d’ambiance de travail. C’est un défi que nous venons de relever car le pouvoir compte sur notre division permanente pour continuer son parcours. Je crois que les récents événements au Nigéria vont davantage nous souder pour offrir au peuple congolais une alternative crédible qu’il attend depuis bientôt 20 ans.

Journalmwinda : Dans un mémorandum envoyé au président de la République une des revendications principales tourne autour du dialogue politique. Quelle assurance avez-vous pour que ce dialogue ne ressemble pas aux concertations d’Ewo et de Dolisie ? Et subsidiairement, est-ce que vous comprenez la position de ceux qui sont contre ce dialogue à cause de l’historique des concertations stériles organisées depuis le retour du président actuel au pouvoir ?

PMMP : Il faut préciser que notre principale revendication n’est pas le dialogue, mais les conditions permissives d’une élection crédible, transparente et équitable en 2016. Nous appelons au dialogue pour épargner au Congo le règlement des questions politiques par la violence. En effet, la grande majorité des populations congolaises déferleraient dans la rue si les politiques ne parviennent pas à donner l’orientation générale nécessaire par un dialogue. Consciente de ce danger, l’opposition a toujours proposé un vrai dialogue national au cours duquel nous mettrons à plat le dispositif d’organisation des élections actuelles pour répondre aux standards internationaux et ce, de manière consensuelle. Voilà ce que nous demandons. Cependant, nous connaissons aussi la mauvaise foi de nos adversaires politiques qui ont préféré introduire un débat insensé sur la Constitution qui est une vraie diversion. Quant à l’assurance, personne n’est au-dessus du peuple uni et déterminé à réaliser une œuvre.  

Journalmwinda : Le parti au pouvoir juge que c’est au cours de ce dialogue que doivent être discutées toutes les questions brûlantes du moment y compris celle du changement ou non de la constitution du 20 janvier 2002, ce à quoi le Front semble s’opposer catégoriquement. Et on s’achemine vers un blocage. Êtes-vous prêt à revoir votre position sur cette question et d’être en déphasage avec la majorité de la population qui dit Non au changement de la constitution?

PMMP : Mais non ! La Constitution ne pose aucun problème aux Congolais et le PCT le sait. Le prédicat posé pour vouloir changer la loi fondamentale selon le PCT est celui de permettre au président Sassou Nguesso de briguer un troisième mandat comme si au PCT, personne d’autre ne peut être candidat que Sassou. Tout le reste relève de la mauvaise foi et de la démagogie. Nous sommes stricts sur cette question du respect de l’ordre constitutionnel. Le président Sassou Nguesso va terminer son dernier mandat et s’en aller en paix. Il n’y a donc pas de dialogue sur cette question de loi fondamentale.

Journalmwinda : Il y a des partis politiques appartenant actuellement à la majorité présidentielle qui ont annoncé leur opposition au changement de la constitution. Est-ce que vous entrevoyez une démarche pour les attirer vers le Front ou leur fermez-vous les portes à cause de leur participation au gouvernement ?

PMMP : Nous lançons d’ailleurs un appel à tous ces partis, associations et personnalités qui sont à la majorité présidentielle de nous rejoindre sans condition pour que triomphe la démocratie dans notre pays. Nous sommes à un moment très important de notre histoire politique et, de leur attitude d’aujourd’hui, dépendra le jugement que l’histoire leur fera. Ils ont le choix entre sauver la République ou servir d’avaliseurs à l’instauration de la monarchie. Le peuple serait heureux de les voir choisir le camp de la démocratie et de la République.

Journalmwinda : Vous faites partie de l’opposition. La question que les Congolais se posent est celle de savoir en quoi doivent-ils vous faire confiance. Vous n’avez aucun programme à un an des présidentielles. S’agit-il simplement de faire partir M. Sassou ?

PMMP : Vous vous trompez mon cher ami. Chaque parti politique légalement constitué a déjà l’obligation d’avoir un programme. Cette question ne se pose donc pas. Nous venons d’horizons divers au Frocad, nous verrons en temps opportun comment faire la promotion de nos projets politiques et même, si nous voulons être pris au sérieux pour assurer l’alternance, confectionner un projet commun. Il ne s’agit donc pas seulement de faire partir Sassou mais de changer fondamentalement le système de gouvernance actuel. Nous voulons refonder notre République, la conduire sur le chemin de la modernité et du développement. Le Congo avec Sassou a perdu de son prestige. Il faut redorer son blason.

Journalmwinda : Le Front républicain pour le respect de l'ordre constitutionnel et l'alternance démocratique 2016 (Frocad) dont vous êtes un des dirigeants a adressé au chef de l'Etat un mémorandum contenant des exigences pour la bonne tenue de la présidentielle en 2016. Quelle réponse attendez-vous de lui ? Qu’espérez-vous ?

PMP : Très clairement nous attendons qu’il réagisse en convoquant la classe politique et la société civile pour mettre sur pied les conditions permissives d’une bonne élection présidentielle en 2016. Rien de plus ou de moins. Qu’espérons-nous ? Que le président écoute la sourde voix de la sagesse pour laisser un pays en paix engagé sur le chemin de la démocratie.

Journalmwinda : M. Sassou reste un dictateur. Il a promis de consulter le peuple par référendum c’est-à-dire de faire un coup d’Etat constitutionnel. Il l’a dit au grand jour. Pourquoi pensez-vous qu’il ne fera pas ce qu’il a annoncé ?

PMMP : Parce qu’il n’en n’a pas le droit. L’article 86 de la Constitution congolaise définit les matières pour lesquelles le président de la République peut appeler au référendum. Le changement de constitution ne fait pas partie de ces matières ; faire autrement est un coup d’Etat et vous connaissez le sort réservé aux putschistes. Nous nous opposerons à ce coup d’Etat avec tout le peuple congolais.

Journalmwinda : L’opinion qui se dégage de l’action de l’opposition est que vous publiez des communiqués, vous tenez des réunions, vous parlez à la presse mais que vous ne touchez pas la population, puisque vous ne tenez pas de meeting populaires, vous n’engagez pas de marches de protestation, vous êtes privés de radio et de télévision... Comment comptez-vous remédier à cette situation ?

PMMP : C’est un droit constitutionnel que chaque Congolais s’exprime librement ; nous entendons conquérir ce droit quel que soit le prix à payer. Vous allez bientôt nous voir sur le terrain pour être en phase avec les populations.

Journalmwinda : L’autre impression que vous donnez c’est que vous n’avez pas l’initiative : vous demandez que Sassou organise un dialogue. Bref vous attendez tout du pouvoir en place alors que chacun le sait, celui-ci a plutôt intérêt à gagner du temps.

PMMP : Ce n’est pas juste. Nous venons de signer un Mémorandum qui définit le calendrier des opérations préélectorales, électorales et postélectorales. Nous n’avons pas attendu le pouvoir pour le faire. Maintenant que visiblement le pouvoir ne prend pas en compte nos revendications, nous allons recourir à notre peuple pour que nous prenions toutes nos responsabilités. Je peux déjà vous annoncer la tenue au cours de ce mois d’avril 2015 d’un méga meeting à Pointe-Noire qui s’inscrit justement dans le cadre des consultations de notre peuple sur la suite à donner à l’autisme du pouvoir.

Journalmwinda : Si Sassou ne répond pas, comme c’est prévisible, au chronogramme que vous avez proposé, que ferez-vous ?

PMMP : Je crois que je viens de répondre à votre question. C’est le peuple qui est dépositaire du pouvoir, nous allons le consulter, pas dans le cadre d’un quelconque référendum illégal dont les résultats seraient connus d’avance comme toutes les élections depuis 2002, mais dans une démarche citoyenne d’exigence de liberté, de démocratie et d’élections justes et transparentes.

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