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Du slogan « Agriculture priorité des priorités » aux accords de cession de terre au Rwanda : la faillite d’un homme sans vision

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A chaque fois que le pays est en proie à des difficultés financières, Sassou sort de sa légendaire torpeur économique. Il disserte alors sur la nécessité de diversifier l’économie congolaise, largement dominée par un seul secteur d’activité : le secteur pétrolier.

 

A chaque fois que le pays est en proie à des difficultés financières, Sassou sort de sa légendaire torpeur économique. Il disserte alors sur la nécessité de diversifier l’économie congolaise, largement dominée par un seul secteur d’activité : le secteur pétrolier.

En effet l’économie congolaise repose principalement sur le secteur des hydrocarbures, lequel représente, selon les chiffres de la Banque Mondiale, 42 % du PIB, 80 % des exportations et 60 % des recettes intérieures.

Le secteur de l’agriculture, de la sylviculture et de la pêche représente à peine 6 % du PIB et ne contribue guère aux exportations. Selon la Banque mondiale, dans la plupart des pays en développement, l’agriculture contribue en moyenne à 25 % du PIB. A comparer donc avec notre misérable score.

Un tel pays souffre bien entendu, bien plus que d’autres, de la variation du prix du pétrole, lequel, en cas de baisse, peut se traduire par la perte de plus de la moitié de ses revenus d’exportation. Le Congo s’est retrouvé dans une telle situation, au milieu des années 80s.

En 1986 par exemple, le prix du brut de pétrole s’est effondré de 25 dollars le baril, à la fin de 1985, à moins de 10 dollars, en juillet 1986...

On épargne le lecteur du vocabulaire utilisé par la clique de Sassou pour expliquer aux congolais la sévérité de la crise. On expliquait qu’en réalité la crise frappait tous les pays producteurs de pétrole de la même manière.

Bien sûr que c’était faux. Les pays moins endettés et plus prévoyants que le Congo avaient su tirer leur épingle du jeu.

Pendant cette période de vaches maigres, les bricoles du plan quinquennal, lesquelles souffraient déjà de grands retards, furent abandonnés. Et Sassou découvrit alors que vivre d’importations de produits alimentaires en temps de crise financière  menait le pays vers la ruine.

C’est qu’au Congo les importations des denrées alimentaires sont estimées à environ 700 milliards de francs CFA, soit 1,060 milliard d’euros. D’aucuns pourront arguer que ces importations sont le fait des commerçants privés. Oui, mais ces produits sont payés en devises sortent de la banque centrale.

Tout au long du règne interminable de Sassou, le Congo dépense au bas mot un (1) milliard d’euro par année pour importer de l’huile de cuisine, extraite de l’arachide ou du maïs ou du tournesol. Idem avec la tomate et toutes autres cultures qui poussent parfois à l’état sauvage dans notre  bonne terre du Congo. Un milliard par année, à multiplier par le nombre d’années au pouvoir de Sassou. On atteint un chiffre astronomique.

Durant tout son règne Sassou n’a jamais appris que les réserves de change provenant des recettes d’exportation devaient servir à acheter les biens d’équipement qu’un pays ne peut pas produire localement, tels que les équipements lourds, les machines sophistiquées.

Dans le modèle  économique de Sassou, les devises  sont destinées à importer du riz, de la tomate, de la viande (bœuf et porc), du poisson, du poulet et tous les autres biens alimentaires que le pays peut produire localement. Le secteur des importations alimentaires est de surcroît sous le contrôle des étrangers.

Les économistes de pacotille qui l’accompagnent ne lui ont sans doute jamais expliqué que le modèle choisi ne pouvait pas conduire  à l’émergence, car nous faisons un mauvais usage de nos devises.

En effet, le modèle économique sassouiste est simple : on  reçoit des revenus du pétrole ; ceux-ci servent à l’importation de denrées alimentaires et à la gestion de structures politiques et administratives pléthoriques à savoir le gouvernement, l’Assemblée nationale, le Sénat, l’armée, la police,  et une administration absentéiste et improductive. D’’investissement pour diversifier l’économie, nenni !

Les crises financières qui ont suivi celle de 1986 ont mis en relief l’insécurité alimentaire dans un pays qui a délaissé l’agriculture, et qui attend tout bonnement les recettes pétrolières.

A sa manière le Congo a été frappé de plein fouet par le syndrome hollandais, le fameux « Dutch Disease », lequel décrit les effets pervers de la dépendance à une rente sur une économie.

Pourtant le pays dispose d’énormes potentialités pour développer une agriculture, à la fois pour la subsistance et pour l’exportation :  environ 10 millions d’hectares de terres arables, dont seulement 5 % sont exploités à  ce jour ; plusieurs cours d’eau fournissent au pays des ressources inestimables en eau ; un climat propice (ensoleillement et pluies) à l’agriculture ; une population jeune offrant une réserve importante de main d’œuvre ; les deux chocs pétroliers (1979 et 2008) qui ont fourni au pays des ressources financières importantes. Autant de facteurs qui auraient pu permettre au Congo de développer son agriculture.

Hélas, le plus important a fait défaut : la vision, le leadership éclairé. 

Sous les incitations de la Banque mondiale, Sassou commença tout de même à évoquer la perspective de la diversification de l’économie, de l’  « autosuffisance d’ici à l’an 2000 », « l’agriculture priorité des priorités ».

La rhétorique communiste aidant, Sassou avait multiplié des slogans, qui sont bien entendu restés lettre morte.

On se rappelle que lors de sa traversée du désert entre 1992 et 1997, à Paris, le sujet fut évoqué lors d’une rencontre avec la Diaspora. A la question de savoir pourquoi l’agriculture n’est pas une vraie priorité au Congo lors de son règne et n’en était restée qu’aux slogans, sa réponse : « des instructions avaient été données »…

En réalité, chez « homme des masses », l’agriculture n’a jamais été une priorité. Le citoyen lambda connaît la priorité de Sassou. L’affaire des « Biens Mal Acquis » en France, relayée par la presse, a montré où se situaient ses priorités. Ajoutée à cela la priorité de la conservation du pouvoir pour le pouvoir, qui coûte très cher en renseignements, en corruption et en armement.

Plus de trois décennies après sa première déclaration de l’agriculture « priorité des priorités », le constat est celui d’un échec sur toute la ligne.

D’ailleurs il l’a lui-même reconnu involontairement,  critiquant  lors d’un meeting électoral le fait que le Congo importait les kwangas (manioc, aliment de base des congolais), les ébembé ya doula (poulets congelés) ou les safous. Sans reconnaître sa propre faillite bien sûr : iI ne faut pas compter sur lui pour prendre une part de responsabilité dans ce fiasco.

Sassou n’a pas seulement failli  mais il a saccagé toutes les structures qui auraient permis l’écoulement de la production agricole des zones de production vers les grands centres urbains comme Brazzaville et Pointe-Noire.

Dans les années 80s, les populations le long du chemin de fer vendaient leur production à la criée dans les gares ferroviaires, à l’heure du passage du train voyageur. La gare ferroviaire, c’était le marché : rencontre entre l’offre de la production agricole de subsistance et la demande. En plus de cela, le train dit train-marchandises convoyait toujours des wagons remplis des produits agricoles vendus par des semi-grossistes à des détaillants qui, à leur tour, les vendaient dans les marchés.

Sassou, dans son incompétence, a même saccagé ces structures d’échange entre les vendeurs et les acheteurs de la production agricole. Le rail, colonne dorsale de l’écoulement en grandes quantités de la production agricole, est désormais à l’abandon.

Autre chose presque à l’abandon, c’est le village agricole de Kourou qui fut lancé avec fracas autour de 2010. L’initiative avait pour objectif de regrouper environ 700 exploitants qui devaient majoritairement produire des œufs et des produits du maraîchage.

Aujourd’hui il n’y a plus qu’une quarantaine d’exploitants plongés dans l’amertume d’un projet qui n’a fait que brasser du vent. Avec une production initiale prévue de 670000 œufs environ par mois au début, le village n’en produit plus que le quart et ce, grâce à l’appui du Projet de développement de l’agriculture commerciale (PDAC), financé par la Banque mondiale.

En 2023, les autorités du pays comptaient sur des fonds en provenance du Koweït pour relancer le village agricole de Nkouo. Malheureusement, et c’est devenu une tendance, pour des projets vitaux, on attend des financements venant de l’extérieur, lesquels ne sont d’ailleurs obtenus souvent que pour des dépenses de prestige.

Le journal britannique The Telegraph expliquait dans un article, en 2019, comment la petite république de San Marin avait saisi 19 millions de dollars appartenant à Sassou et son clan. Le petit détail croustillant était que Sassou avait dépensé 100 000 dollars pour l’achat des chaussures croco.

C’est dans ce contexte d’échec total, s’agissant du développement de l’agriculture, que Sassou a choisi la solution de la cession des terres congolaises aux rwandais (Lire nos articles sur ce sujet).

Mais une fois de plus, l’agriculture ne serait que le cache sexe de son vrai projet, de sa priorité qui serait en réalité politique et militaire, avec la succession dynastique du pouvoir…

R. Attipo