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Assemblée croupion du Congo : une seule question d’actualité et une interpellation en cinq ans !

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Les moyens d’informations et de contrôle du Parlement sur l’action du gouvernement sont : l’interpellation ; la question orale ; la question écrite ; la question d’actualité; l’audition en commission; l’enquête parlementaire; la motion de censure ».

Or, une seule question d’actualité et une interpellation ont eu lieu en cinq ans pendant la 13e législature. Les questions sensibles ont fait le plus souvent l’objet d’une censure du bureau de l’Assemblée nationale.

Et pour cause : la fonction parlementaire est dévoyée. Elle se retrouve au cœur d’un enjeu politique budgétivore, par la faute de l’Etat. Le Parlement est devenu comme une caisse de résonnance où les gens vont pour se faire ou se refaire une santé financière, au détriment des intérêts des populations.  

A lire

La Semaine africaine

Bonne gouvernance : les parlementaires sont-ils complices ou coupables de l’endettement excessif du Congo ?

Depuis l’année 2014, le prix du baril de pétrole est passé sous le seuil psychologique des 60 dollars. Et la chute persistante du prix du baril se poursuit, compliquant la vie aux pays producteurs, dont la manne pétrolière est une composante essentielle des économies nationales. Le Congo, cas d’école, est confronté aujourd’hui à une grave crise financière et économique. Le pays donne, déjà, l’impression d’être plongé dans la récession, obligé de se tourner vers le FMI (Fonds monétaire international).

Plusieurs chantiers financés par l’Etat sont en arrêt et les entreprises sont obligées de mettre leurs ouvriers en congé technique quand elles ne mettent pas tout simplement leur clé sous le paillasson.

Il est vrai que durant les années fastes, l’Etat a constitué une épargne non moins importante, logée à la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique centrale). La mission du FMI, conduite par Mme Dalia Kakura, au mois d’avril 2014, avait estimé que cette épargne, de 2.509 milliards de francs Cfa, avait baissé de 265 milliards de francs Cfa par rapport à l’année 2013. Mais, une partie de cette épargne est sous forme de prêts accordés à des pays africains, à la Banque de développement des Etats d’Afrique centrale et à des sociétés nationales.

Après s’être habitués à un grand train de vie, grâce à la manne pétrolière, les Congolais vivent le temps des vaches maigres. La fameuse diversification économique peine à se mettre en place. Même l’industrie touristique qui, sous d’autres cieux, contribue énormément au Produit intérieur brut (PIB) peine à décoller au Congo. Le gouvernement n’a pas d’autres choix que de revoir à la baisse ses ambitions en matière de dépenses publiques et d’investissements, pour éviter l’endettement excessif qui a atteint déjà 120% du PIB.

«Il nous faut donc accepter que, du fait d’un choc exogène, il y a rupture dans l’évolution de nos finances publiques. Cette rupture doit être bien traitée. Parce que mal traitées, les ruptures ouvrent en général sur des récessions plus ou moins prolongées et parfois même sur le chaos total», reconnaissait l’ancien ministre d’Etat, ministre des finances, de l’économie, du budget et du portefeuille public, Gilbert Ondongo, lors de la présentation de la loi de finances 2015.
Si le Parlement exerce pleinement le rôle de vérificateur de l’action gouvernementale que lui confère la Constitution, l’addition de la dette ne devrait pas être aussi salée. En effet, la Constitution fait devoir aux parlementaires de contrôler l’action de l’exécutif et leur donne les moyens d’exercer ce contrôle. En son article 107, elle dispose que «le Parlement exerce le pouvoir législatif et contrôle l’action du gouvernement. Les moyens d’informations et de contrôle du Parlement sur l’action du gouvernement sont: l’interpellation ; la question orale; la question écrite; la question d’actualité; l’audition en commission; l’enquête parlementaire; la motion de censure».

Mais tous ces moyens sont rarement mis à contribution. Pour preuve, une seule question d’actualité et une interpellation ont eu lieu en cinq ans pendant la 13e législature. Les questions sensibles ont fait le plus souvent l’objet d’une censure du bureau de l’Assemblée nationale, lors des questions orales au Gouvernement avec débats. Or l’activité saine du député est, à coup sûr, une contribution à la bonne gouvernance qui est l’une des conditions indispensables au progrès social et au bien-être d’un pays.

Malheureusement, dans notre pays, la fonction parlementaire est dévoyée. Elle se retrouve au cœur d’un enjeu politique budgétivore, par la faute de l’Etat. Le Parlement est devenu comme une caisse de résonnance où les gens vont pour se faire ou se refaire une santé financière, au détriment des intérêts des populations.  

D’où son manque d’initiatives parlementaires et une difficulté à contrôler correctement l’action du Gouvernement. Les députés de la 14e législature ne doivent pas s’enfermer dans les attitudes d’opposition systématique ou de soutien automatique. Les séances de questions orales avec débats ne doivent pas ressembler à des scénarios pré-écrits comme dans la mandature précédente où aucune enquête parlementaire n’a été instituée sur les vrais problèmes brulants tels que le dossier Ecair, la Nouvelle Air Congo et le groupe Pefaco qui gère les hôtels Alima et Maya-Maya, sans avoir un statut juridique; le Compte des générations futures qui n’existe pratiquement plus à la Banque centrale, l’arrêt des travaux de l’Université Denis Sassou-Nguesso à Kintelé, la crise du Pool, les ruptures à répétition des antirétroviraux, les pénuries de carburant, les détournements de fonds et de deniers publics, etc.

Il devrait aussi s’interroger sur la nécessité de maintenir ou pas certaines institutions qui ont fait leur temps et ne pèsent plus maintenant qu’en termes de salaires de ses membres. Il s’agit du Comité de suivi des accords de cesser le feu et de cessation des hostilités, du Haut-commissariat à l’instruction civile et celui des ex-combattants, du Comité de suivi du dialogue de Sibiti, de la Commission ou observatoire de lutte contre la corruption, la fraude et la concussion, etc.

Autant de sujets d’enquête qui devraient aussi inspirer les députés à intérioriser correctement leurs responsabilités, en s’efforçant de les assumer de manière méthodique, avec détermination, sans subjectivisme et sans complaisance. Ce n’est qu’à ce titre qu’ils viendront à bout des obstacles résultant des pesanteurs de toutes sortes. C’est ainsi que l’Assemblée nationale arrivera à s’imposer dans la conscience collective nationale comme une institution hautement utile à la nation.

Cyr Armel YABBAT-NGO

© La Semaine africaine

 

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