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Sassou : où est le sérieux ?

politique
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Désormais, entre les partisans d’une lutte armée et les tenants de la partition du pays dont le discours a pris un peu plus de relief ces derniers temps, l’espace des démocrates unionistes semblent se restreindre. De la capacité de l’IDC-FROCAD à rebondir et celle de la société civile à contenir la montée des extrêmes, dépendra l’avenir à court terme.

Il y a dans les jours qui viennent de s’écouler un constat en forme d’évidence. Quand le pétrole parle, le peuple se tait. Quand l’argent parle, le peuple se tait. Quand les armes parlent, on se tait tous. Ainsi, la dictature tue avec la complicité de notre silence. Nos dirigeants pillent le pays et tuent, sans rendre des comptes. C’est parce que nos morts sont enfermés dans leur silence que les bourreaux se pavanent, récidivent et déconstruisent le pays, y compris leurs propres œuvres.

L’un des grands dangers de la déconstruction réside dans la désarticulation des fondements de la liberté et la perte des valeurs humaines pourtant prônées. Justice et vérité sont en effet des piliers de la paix sans laquelle l’on ne peut prétendre à la démocratie. Il est essentiel que le pays se donne les moyens de briser ce silence de mort si assourdissant dicté par la peur pour, enfin, libérer la parole. Celle des vivants. Mais il est des moments où les vivants doivent écouter les morts ; c’est l’esprit de la Toussaint.

Dès lors que l’on a cessé d’interroger le passé et dès lors que l’on refuse d’affronter avec détermination le douloureux présent peuplé de dirigeants ayant la tête dans les nuages, la liberté restera bridée et la vérité toujours vaine. La problématique de l’avènement de l’ère démocratique en Afrique subsaharienne est subséquente à la liberté qui est une donnée de taille non encore conquise.

La préoccupation des congolais, à quelques mois des présidentielles, coïncide avec la soif d’alternance, le désir ardent de voir la fin des humiliations et l’accès à l’eau, à l’électricité, à la santé pour tous et à une nourriture de qualité. D’où l’exigence d’une meilleure redistribution des richesses du pays aujourd’hui confisquées par un pouvoir clanique. En clair, il s’agit d’opérer une rupture avec le système actuel au profit d’un modèle démocratique plus vertueux.

Comme une farce, le concert mondial se joue en accéléré avec, d’une part, de grandes avancées technologiques et, d’autre part, des tares moyenâgeuses sur fond de multiples crises. Difficile pour les occidentaux habitués à siphonner les richesses des Etats moribonds par l’entremise des dirigeants exempts de scrupule et peu soucieux du développement de leur  pays, de concilier exigences démocratiques et valeurs humaines.

Basculer en truandant en force et dans le sang vers une nouvelle loi fondamentale en un mois, constitue incontestablement une agression de la conscience libre des populations. Pervertir les institutions à 72 ans, après 32 ans de règne sans partage, prouve que l’homme a entamé le processus de pourrissement sans murir. Impossible donc pour lui de convoquer les forces de l’esprit vibrant avec nos mânes afin d’incarner soi-même la sagesse.

Alors tel un gamin, il resquille sans avoir le courage d’assumer par décrets sa volonté de « mourir au pouvoir ». Cela nous aurait dispensé ce tintamarre sanglant de pseudo référendum utilisant les artifices démocratiques ne trompant personne. La bassesse des manœuvres entreprises au sommet de l’Etat, tendent à éloigner davantage les populations, somme toute blasées et méprisées, des institutions du pays.

La brutalité du pouvoir fait d’antivaleurs, poussée désormais à l’extrême, conduit à un danger : le ras-le-bol généralisé. La radicalisation progressive des positions faisant enfler les conditions de l’implosion du pays prend de l’ampleur. L’été 2015 apparaitra comme une révélation à la planète entière du caractère dictatorial du régime de Brazzaville vieux en diable. Mais cette plaie quasi incurable n’est pas une fatalité.

Des similitudes apparaissent avec l’expérience burkinabé. Mais, c’est probablement le scénario tunisien qui se profile. Le pouvoir congolais s’écroulera, sans doute, à la suite d’un fait anodin, à l’instar de ce diplômé sans emploi tunisien qui déclencha le printemps arabe. Il est regrettable que le président français ait associé son nom à celui d’une dictature au moment où le Congo croyait à sa résilience. Une tâche sur la peau de François Hollande.

Désormais, entre les partisans d’une lutte armée et les tenants de la partition du pays dont le discours a pris un peu plus de relief ces derniers temps, l’espace des démocrates unionistes semblent se restreindre. De la capacité de l’IDC-FROCAD à rebondir et celle de la société civile à contenir la montée des extrêmes, dépendra l’avenir à court terme.

Depuis près de quarante ans, Sassou et son clan instrumentalisent les institutions étatiques, abiment les symboles de l’Etat, changent les constitutions, le drapeau et même l’hymne nationale selon leur gré très éloigné des aspirations des populations pourtant prêtes à relever les défis du monde qui l’entoure. Il est stupéfiant et intrigant de réaliser que le régime de Brazzaville, selon toute vraisemblance, serait coupable de crimes contre l’humanité en ayant fait plus de morts que la colonisation !

Déboulonner une telle machine tentaculaire bien huilée ayant fait le vide en face n’est pas une opération aisée. L’on a tendance à oublier que l’IDC, par exemple, n’existait pas il y a seulement trois mois. Mais, le travail abattu par les deux principales plateformes l’IDC-FROCAD, au-delà de nos frustrations et de nos impatiences, montre la vulnérabilité du système et les raisons d’espérer. C’est bien la première fois que cette dictature se voit dresser devant elle une opposition.

Cependant, le démantèlement de ce système se fera dans le temps et devra se poursuivre au-delà du règne de Sassou, tant les fondamentaux du pays ont été désarticulés et les esprits esquintés. Cette lutte s’inscrit donc dans la durée ; le temps d’apprendre de nos erreurs et  manquements, le temps de nous faire violence et le temps de nous forger un réel caractère. Mais le temps presse. Alors l’opposition devra afficher, haut et fort, ses convictions et sa détermination à poursuivre cette bataille, sans quoi, elle sera elle-même aussi emportée par la deuxième révolution congolaise en gestation.

Il est illusoire de stigmatiser l’unité nationale, corollaire d’une nation éparpillée au-delà des frontières absurdes issues du dernier partage du monde. Seules les dictatures qui rampent derrière les ethnies méritent d’être démasquées. Nos tribus, antérieures aux Etats, n’ont jamais été en guerre entre elles, au-delà des rivalités primaires.

L’unité nationale découlera de la matérialité de la nation qui, elle, demeure un projet, latent, en attente des patriotes et architectes de talents. C’est davantage de l’unité de la nation dont il s’agit, au lieu de l’unité nationale.

Nos aïeux ont dû affronter l’esclavage, nos parents, eux, la période coloniale. Notre devoir est de nous dresser debout, pour vaincre ces régimes totalitaires qui font perdurer les systèmes d’exploitation des peuples. Les Sassou, les Mugabe, les Biya, les Kabila, les Nkurunziza, … et tutti quanti, partiront.

Abraham Avellan WASSIAMA