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L’Afrique à la croisée des chemins

politique
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Tribune libre

Morcelés en des républiques aux perspectives d’avenir bridées par des années de dictature, les Etats subsahariens peinent à offrir à leurs peuples ce que le colon leur avait refusé, à savoir un réel destin chargé d’espérance. Le délabrement de l’école et celui du plateau sanitaire, l’insalubrité, le tribalisme ainsi que la corruption et la concussion ont eu raison des restes de la rigueur issue de l’administration coloniale. Désarticulé, l’Etat s’est effondré.

Dans un contexte international où la mondialisation fait rage, les actuels dirigeants occidentaux qui n’ont connu ni la sombre période coloniale, ni les affres de la guerre, prônent, de plus en plus et avec insistance, du haut de leurs tribunes, des exigences démocratiques.

Il convient de se féliciter de ce récent positionnement qui tranche avec les activités des réseaux Foccart de triste mémoire. Il s’agit ici d’une donnée de taille susceptible d’influer sur l’évolution du continent. Les africains se doivent de profiter de ce courant politique favorable afin d’opérer leur mutation en procédant à l’éviction des dictateurs longtemps soutenus par l’Occident et à l’instauration, enfin, des nouvelles mœurs politiques en vue d’asseoir des réelles bases démocratiques et de se prémunir des récentes menaces d’inspiration religieuse.

Les exigences des populations subsahariennes sont beaucoup plus profondes qu’il n’y paraît, dépassant les contingences matérielles souvent mises en avant. La jeunesse africaine aspire à la dignité et à la fin des humiliations qui perdurent depuis l’esclavage, afin de participer au concert mondial. Installés dans le rôle des dictateurs par mimétisme au colon, les dirigeants africains ont dévoyé les missions de fond auxquelles ils devraient s’atteler et ont confisqué les libertés fondamentales de leurs congénères.

L’Afrique compte de nombreux dictateurs se voulant omnipotents et « déboulonnables» que par le seul Dieu, selon Mugabé du Zimbabwe, fossilisé au pouvoir depuis des lustres. Pour faire civilisés et modernes, ces dictateurs s’étaient emparés imprudemment de la rhétorique des démocrates en se dotant des constitutions taillées sur mesure et en recourant, le cas échéant, à l’hérédité ou aux armes, à l’instar du Gabon, du Togo, du Congo ou du Congo-Kinshasa.

Mais au bout du bout, sonne le glas : l’heure des comptes. Lesquels comptes nous livrent un spectacle presque risible, n’eûssent été les souffrances des populations. Et quel spectacle ? L’omnipotent en proie avec « sa » loi fondamentale appelée Constitution. Celle-ci, dans son aspect moderne, pose les limites de l’exercice du pouvoir par son détenteur tant en nombre de mandats que dans leur durée ainsi que les conditions d’éventuelle modification ou de révision. Les populations, jadis méprisées, se retrouvent alors dans le rôle d’arbitre. L’occasion, pour elles, de tenter de briser les chaînes invisibles qui les ligotent.

Les temps changent. Et, c’est tant mieux. Il fut une époque où il suffisait d’un tour à la radio pour qu’une Constitution disparaisse et que l’arbitraire s’abatte avec stupeur, hélas, sous la simple volonté d’un individu. Aujourd’hui, balayer une Constitution n’est plus une opération aisée. Même pour les hommes dits « forts ». Avec une population dont la moyenne d’âge est de l’ordre de 19 ans, la kyrielle des rendez-vous manqués ainsi que la désillusion des populations rendent désormais périlleux les choix dictatoriaux notamment les manœuvres visant la conservation du pouvoir.

Connectée et reliée au monde par le biais de la téléphonie mobile (le téléphone filaire mal entretenu ayant presque disparu), la jeunesse africaine, lassée de la corruption, du tribalisme et du népotisme, exige des dirigeants intègres, débarrassés d’esprit de clan et avertis des problèmes du pays. L’Afrique n’a guère besoin d’hommes forts mais, davantage, d'Institutions fortes capables de résister aux différentes tentatives de déstabilisation auxquelles un pays peut être soumis.

De nos jours où un pape peut s’éclipser (Benoît XVI), un roi s’effacer comme en Espagne, l’Afrique se doit de basculer dans la modernité institutionnelle afin d’amorcer son développement. C’est l’une des exigences de la jeunesse africaine. Mais dans la mesure où les hémicycles de représentation nationale sont truffés des griots et chantres de la confiscation du pouvoir, il faut s’attendre à ce que certaines décisions vitales émanent de la rue. Justement, c’est la rue qui avait corrigé les errements préélectoraux au Sénégal et a emporté récemment l’inamovible président burkinabè.

Après le discours du Président François Hollande à Dakar, on pouvait noter le déploiement des blindés, le soir venu, à Bacongo, un quartier de Brazzaville.

Cette fébrilité du pouvoir donne une indication sérieuse sur ses intentions non encore avouées visant à créer les conditions d’une supposée crise institutionnelle débouchant sur un état d’urgence. Ainsi seraient renvoyée, sine die, la tenue des élections présidentielles.

Après avoir hésité, Yayi Boni, le Président béninois a renoncé. Il ne jouera pas au jeu de la modification de la Constitution auquel tentent jouer certains chefs d’Etat africains : c’est trop dangereux, juge-t-il.

En RD Congo, ces derniers temps, la jeunesse sonne le tocsin, comme en écho d’un vent venu du printemps arabe diffusant un seul message de fond à l’instar d’un refrain : « Dégage ! ».

La démocratie a ses contraintes. Elle exige des dirigeants et surtout du premier d’entre eux d’instiller courageusement, et à ne jamais en dévier, le devoir du respect des textes que l’on se dote, par des actes concrets garantissant l’alternance. C’est cette réalité de stabilité constitutionnelle que l’on doit, sans cesse, rechercher et non la récurrente déconstruction qui donne le vertige au peuple. Il convient de noter que la Constitution du Congo-Brazzaville, par exemple, a été modifiée 14 fois depuis son accession à l’indépendance et la bagatelle de 8 fois sous l’actuel président !

En garantissant l’application stricte de la Constitution, quoi qu’il en coûte et conformément au serment prêté, les différents chefs d’Etat africains concernés, passeront de leurs légendaires folklores à la lumière de l’Histoire. Cet ultime acte d’élégance serait d’excellente facture aux yeux des populations et de la Communauté internationale ; contrairement aux manœuvres dilatoires actuelles sur fond de pillage et d’égoïsme laissant présager une série de turbulences. Notre jeunesse a soif de voir l’homme africain debout, se prenant en charge dans un environnement démocratique et apaisé.

Magnanimes, les populations se taisent ... Mais, sous ce silence se tassent beaucoup de bruits. Même le plus robuste des arbres peut être secoué par le vent.

Quoi qu’il en soit, un mouvement global et naturel tendant à instaurer l’Etat de Droit, partout en Afrique, est en marche. En tireront le meilleur ceux qui en feront une bonne lecture et un bon usage.

Abraham Avellan WASSIAMA

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