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Un message confidentiel des évêques aurait provoqué l’ire de Sassou

politique
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Il se murmure dans les milieux bien informés à Brazza qu’en dehors du « Message de Noël des Evêques du Congo » publié en exclusivité par « MwindaPress » le 22 décembre dernier (un texte par lequel les hommes d’église ont pris position au sujet du « débat » sur le changement de la constitution), un message qui a fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel jusque-là assez paisible de la majorité présidentielle, les évêques auraient fait parvenir au Chef de l’Etat un autre texte, confidentiel celui-là, mais beaucoup plus saignant.

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Selon certaines sources, les évêques en retraite à Liambou, dans le diocèse de Pointe-Noire auraient auparavant résolu de communiquer avec le palais de la présidence par la voie « diplomatique », selon un protocole bien rodé au sein de l’Eglise. Il s’agissait quand même de s’adresser au Chef de l’Etat. La discrétion et la confidentialité auraient donc été de mise. Selon le scénario conçu par les prélats, ce n’est qu’à réception dudit message confidentiel que le message formellement destiné aux ouailles et publié par « MwindaPress » aurait dû suivre.

Hélas, mille fois hélas ! La présidence de la République, sans doute en raison d’un agenda surchargé par des affaires plus importantes et plus urgentes, aurait choisi d'ignorer les demandes d’audience, ou tout au moins elle aurait préféré gagner du temps, histoire peut-être de ne recevoir les chefs de l’Eglise… qu’après Noël ou après le discours de fin d’année du Chef de l’Etat !

Mauvais calcul car le coup dès lors est parti tout seul : la publication par « MwindaPress » du « Message de Noël des Evêques du Congo », contre toute attente et à la grande surprise des services de renseignements, aurait tout chamboulé : dès la mise en ligne de ce texte, ce fut le branle-bas de combat dans tous les états-majors concernés à Brazzaville. Quelques coups de fils menaçant plus tard, un communiqué du secrétariat de la Conférence épiscopale tentant d’insinuer le doute quant à l’authenticité de ce message (dont la publication a été jugée « malencontreuse », et pour cause !) était publié, avec à la clef une audience au palais présidentiel accordée aux évêques en toute hâte le 23 décembre, pour éviter que l’incendie ne se propage.

En témoignent les images de cette audience diffusées par Télé Congo (voir ci-dessus) : une ambiance glaciale et pesante régnait dans la salle, avec un Sassou qui avait sa tête des mauvais jours. Y aurait-il eu mort d’homme ?

Que nenni ! La raison de ces mines d’enterrement affichées à cette occasion serait à rechercher dans le fameux document confidentiel qu’aurait transmis les prélats, avec l'imbroglio qui a suivi.

Après lui avoir ciré les pompes et passé la brosse à reluire comme il se doit, en portant aux nues « l’homme de la paix » et le « bâtisseur infatigable » les évêques, dans leur missive, auraient, selon des proches du pouvoir, qui n'en reviennent toujours pas, abordé à leur façon le sujet qui fâche. Non pas en s’inspirant des psaumes de la Bible mais en dispensant un cours de droit constitutionnel dont aurait sans doute eu besoin également le sieur Moudoudou, le chantre du ndzobi accessoirement Doyen de la Fac de droit de Brazzaville (sauf erreur) ; une leçon de droit que Yoka, obnubilé par la conservation du pouvoir au sein de la famille, s’est bien gardé d’administrer à son cher neveu.

Selon l’implacable logique développée en l'occurrence par les hommes de Dieu, un pays ne pouvant avoir deux constitutions à la fois, même pas pendant une minute, le changement de la constitution de janvier 2002 ne pourrait se concevoir que dans une démarche douloureuse pour l’actuelle majorité. En effet, pour changer cette constitution selon les règles de l’art, le président devrait d’abord, selon les hommes d’église, s’engager dans une entreprise de démolition de l’édifice juridique et politique actuel (ce qu’aucun texte ne l’autorise à faire), ce qui entrainerait l’abolition de toutes les institutions nées de cette constitution y compris… la présidence de la République. En langage clair, en annonçant le changement de constitution Sassou se limogerait tout seul, comme un grand, si toutefois il considère que son poste de président est issu de la Constitution de 2002 et non pas de la guerre de 1997 ! Dans ce cas, en s’engageant dans cette voie, il renoncerait ipso facto à son poste. C'est l'histoire bien connue du serpent qui se mord la queue.

 Pour lui éviter cet exercice d’autodestruction ou de sabordage, qui ressemblerait à un suicide les évêques, compatissants – et visiblement meilleurs juristes que les Moungalla et Okyemi réunis –, suggéreraient qu’on convoque une Assemblée Constituante chargée de proposer un texte constitutionnel qui serait soumis à referendum populaire. Une logique, on le voit, éloignée de celle d'un coup d’Etat constitutionnel (1) que serait l'organisation ex nihilo d'un referendum constitutionnel sur le changement de constitution.

Ces propositions (2), qui sous-entendent un abandon de son pouvoir, même pendant quelques jours ou pendant quelques semaines, l’homme qui veut mourir au pouvoir, « aimé », pris dans l’étau des faucons de son clan, a dû sans doute les interpréter comme une volonté des hommes d’église de le chasser du palais, par une voie détournée. On comprend dès lors l’atmosphère tendue qui a présidé à leur rencontre.

Une initiative qui vous offre une chance de conserver le pouvoir jusqu’à votre mort, même si on vous dépossède de celui-ci temporairement, les termes d’un tel contrat somme toute honnête, puisque ménageant le chou et la chèvre, devraient être sujets, au minimum, à réflexion. Et il vaudrait mieux y réfléchir avant, plutôt qu’après. Au Burkina Faso le « Beau Blaise », qui avait ignoré les conseils des représentants de Dieu sur terre, en se croyant plus malin que tout le monde, l’a appris à ses dépens.

(1) Les religieux se seraient également émus de la présence renforcée des soldats dans certains quartiers de la ville depuis quelques semaines, suscitant l'angoisse des populations.

(2) Parmi d'autres propositions les évêques auraient, dans la foulée, de même appelé au dialogue sur les questions concernant la réorganisation de la Conel, le recensement de la population, l'adoption des bulletins de vote uniques..., tout en indiquant qu'ils restaient attachés à la limitation des mandats présidentiels, toute modification de l'article 185 constituant un recul.

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