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Intimidation et répression

Congo B
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Troisième composante de la mécanique électorale de Denis Sassou N'Guesso le duo intimidation-répression fonctionne depuis de longs mois selon le principe simple, vieux comme le monde, utilisé partout : intimider "l'ennemi", provoquer sa réaction, réprimer en le traitant de tous les noms. Au choix : rebelles, aigris, assoiffés de pouvoir, comploteurs ou, pire, terroristes, le mot à la mode ces derniers temps. 

Suite de notre article : le hold-up du siècle

 

Troisième composante de la mécanique électorale de Denis Sassou N'Guesso le duo intimidation-répression fonctionne depuis de longs mois selon le principe simple, vieux comme le monde, utilisé partout : intimider "l'ennemi", provoquer sa réaction, réprimer en le traitant de tous les noms. Au choix : rebelles, aigris, assoiffés de pouvoir, comploteurs ou, pire, terroristes, le mot à la mode ces derniers temps. Au Congo la procédure est plus expéditive: on arrête d'abord, on fabrique les preuves après. Les exemples foisonnent, qu'il serait fastidieux de dénoncer tant les motivations de l'arrestation sont ridicules.

 

Après avoir connu quelques ratés le programme de la cellule stratégique poursuit son chemin par la phase sécuritaire, destinée à faire taire toute contestation. Le premier opposant victime de l'acharnement de la police à son encontre a été Okombi Salissa qui a tout connu: encerclements - tant à Brazzaville que dans son village natal -, arrestation de ses partisans, limogeage sans motif de certains d'entre eux, employés dans structures publiques ou privées, insultes notamment par un quasi homonyme qui a répandu propos injurieux voire diffamatoires contre son compatriote. Ce personnage est membre du bureau national de la CENI.

La cible privilégiée actuelle est Jean-Marie Michel Mokoko. Les tracasseries ont débuté dès son arrivée à l'aéroport Maya-Maya où il est accueilli par des jets de pierres. Puis se succèdent quasi-quotidiennement perquisitions à son domicile, convocations à répétition à la Direction de la surveillance du territoire. On note même la volonté de certaines autorités de faire invalider sa candidature. L'opposition déterminée et motivée de deux membres de la Cour constitutionnelle a fait échouer le projet.

Le pouvoir a changé son angle d'attaque : Mokoko est un putschiste dangereux qui doit être mis hors d'état de nuire. Cette accusation découle d'un enregistrement vidéo où le général, filmé à son insu par les services secrets d'un pays occidental aurait expliqué qu'il pourrait organiser un coup d'État au Congo. Chose étrange: cette vidéo datant de 2003 a été enrichie d'images de militaires, prises à Bangui en 2007, quand Mokoko dirigeait la Minusca. Par quel miracle ce document, que selon ses dires "l'accusé" a remis en mains propres au Chef de l'État, se retrouve disséqué, analysé, commenté par certains journaux de la place et qu'une chaîne de télévision d'un pays voisin a même diffusée?

 

Le pouvoir actuel poursuit de sa haine ce candidat à la présidence. La haine est la colère des faibles. A bout d'arguments pertinents les faibles utilisent calomnies, insinuations, mensonges, tous les propos illégaux pour tenter d'abattre celles et ceux qui dénoncent leurs turpitudes.

 

Mokoko n'est pas un saint, loin s'en faut. Nul n'est parfait, mais nul n'est entièrement mauvais. Les chantres du pouvoir devraient s'abstenir de verser des torrents de boue sur un homme qui avec d'autres a permis la tenue de la Conférence Nationale, bouffée d'oxygène dans un pays en voie d'étouffement. Son combat, comme celui de l'opposition toute entière, est de dénoncer la mauvaise gouvernance politique et économique, l'enrichissement illégal des chômeurs indécrottables, la paresse, la corruption et la concussion, la caporalisation de l'administration sommée d'obéir aux injonctions de certaines autorités, quand bien même ces ordres sont illégaux.

 

Le peuple congolais salue la dignité dont il a fait preuve lors d'évènements personnels douloureux. Telle la tentative d'empoisonnement par une personne très proche, laquelle sera elle-même victime de son acte. Selon plusieurs sources sous couvert d'anonymat, le commanditaire de la tentative d'empoisonnement avait assisté aux obsèques du meurtrier raté. J3M pourrait aussi évoquer les tentatives d'assassinat déjouées pendant son séjour à Bangui dont l'une d'elles lui avait été soufflée par une haute personnalité de la RCA.

 

Curieusement une autre affaire de tentative de coup d'État a surgi ces dernières semaines, cette fois-ci concernant le général Emmanuel N'Gouelondele Mongo, ancien responsable des services de sécurité. Lui aussi est accusé d'avoir tenté de préparer une action violente au Congo avec l'aide de "mercenaires sud-africains", selon un ancien enregistrement vidéo, connu du plus haut responsable de l'État, et opportunément réapparu dans l'espoir de dissuader le général N'Gouelondele de poursuivre son combat pour l'alternance démocratique.

 

Comme à l'égard de son collègue, les Congolais lui sont reconnaissants non seulement d'avoir réussi à empêcher tout débordement pendant la Conférence Nationale, mais aussi d'avoir gardé le silence sur un certain nombre de dossiers sensibles concernant la sécurité de l'État. On peut en évoquer un: l'affaire des missiles Matra.

 

Si cette affaire ne dit rien au commun des Congolais, en cas de succès elle aurait pu provoquer une déflagration politique désastreuse pour le Président français François Mitterrand.


En décembre 1988 se tient la Conférence de Brazzaville sur l'avenir des pays du sud de l'Afrique dont le sommet sera la libération de Nelson Mandela deux ans après. En marge de la réunion des officiers sud-africains prennent contact avec des homologues congolais proches de la Présidence pour leur proposer un marché : l'Afrique du Sud étant sous embargo, elle ne peut se procurer des armes en Occident. Lesdits officiers demandent donc au Congo d'acheter pour leur compte cinquante missiles sol-air fabriqués par la société française Matra. Un officier de la Sécurité d'État imite la signature du directeur général Emmanuel N'Gouelondele sur le bon de commande. Un des officiers contactés à Brazzaville va suivre le dossier en France accompagné du consul du Congo. Un acompte de 16 millions de francs français - 800 millions de francs CFA- est versé officiellement par le Congo à la BNP (Banque nationale de Paris) sur le compte de la société Matra.

 

La vente ne se fera pas, bloquée au dernier moment par les services français alors que Jean-Christophe Mitterrand, fils du Président, chef de la cellule africaine de l'Élysée, était sur le point de signer l'autorisation d'exportation. Les services étaient étonnés qu'un petit pays comme le Congo, qui n'était pas en guerre, veuille acheter ses armes sophistiquées que même l'armée française ne possédait pas. Néanmoins un des officiers congolais reçut un container d'armes (des fusils mitrailleurs) qui lui sera livré au Congo.

 

L'histoire d'un pays est jalonnée d'une multitude d'évènements que la raison d'État a choisi de taire, tant qu'ils ne portent pas préjudice à la nation ni à sa nécessaire unité. Il n'est pas sain dans une démocratie d'utiliser certains manquements pour tenter d'écarter des concurrents politiques. Un adage populaire dit: "il ne faut pas montrer les fautes d'autrui avec un doigt sale".

Les hommes politiques congolais devraient intérioriser cet adage, ce que n'a pas fait un membre du gouvernement qui a traité les opposants de "terroristes", après les évènements d'octobre dernier. Mais il n'a pas condamné les sbires responsables de plus d'une vingtaine de morts.

 

A propos de terrorisme, au lieu d'encercler les opposants pour n'importe quel motif, la police devrait surveiller certains résidents étrangers. En décembre dernier, après les attentats de Paris, des agents d'Interpol ont interpellé trois hommes: le propriétaire d'une célèbre pâtisserie du centre-ville, celui d'un magasin de matériels informatiques et un importateur de farine. Ces hommes seraient en contact avec un réseau terroriste international. Difficile d'importuner ces paisibles citoyens qui votent, en ville, dans un minuscule bureau de vote où 2000 personnes sont inscrites.