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Le cimetière comme haut lieu de la mémoire

politique
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Tribune libre

Le cimetière comme haut lieu de la mémoire et de l’identité d’un peuple : l’inhumation de Mbiki de Nanitélamio à Québec comme révélateur

Deux douleurs. Mourir à l'étranger et y être enterré tantôt au seul motif tiré de ses opinions politiques.

MBIKI DE NANITELAMIO a rejoint ceux qui sont morts en exil sans plus jamais revoir la terre natale : l'Abbé Fulbert YOULOU, Marcel IBALIKO, MOUGOUNGA KOMBO NGUILA, Marcel Yves IBALA, Claude DA COSTA etc. Le pire, c'est que l'inhumation de MBIKI prive nos enfants de l'opportunité de s'incliner demain devant la tombe de celui qui a rendu possible le rétablissement de notre drapeau tricolore à la Conférence Nationale Souveraine de 1991, ces Assises transformées en Assemblée Constituante sous le modèle français de 1789. L'acte de MBIKI est si chargé de symboles historiques que la Conférence Nationale Souveraine est l'acte fondateur et inaugural du républicanisme congolais. Son enterrement à QUEBEC est d'autant un drame pour notre histoire qu'il nous appartient de prendre conscience de ce que le cimetière est un lieu de la mémoire et de la construction des repères identitaires d'un peuple qui doit se transformer en Nation. Le lien entre certains morts dépositaires des faits marquants de notre histoire et les vivants perpétue notre mémoire et cimente la construction des référents identitaires. Le fait d'enterrer certains de nos illustres patriotes à l'étranger annihile notre mémoire et le processus de formation d'un État citoyen qui nous permettra de réinventer le vivre-ensemble et la démocratie.

Je comprends légitimement le contexte actuel, celui de l'exil d'une partie de l'élite. Il nous appartiendra demain de négocier avec la famille de MBIKI DE NANITELAMIO pour rapatrier ses restes dans un Congo démocratique et solidaire.

Cela dit, cette question du lieu d'inhumation se recoupe inévitablement avec celle de la préservation de la mémoire. Au point que s'impose la construction, sous forme du patrimoine national, d'un cimetière où seront enterrés nos illustres personnalités qui ont fait vibrer notre drapeau à travers le monde et tous ceux qui ont marqué notre histoire au-delà de leurs fautes ou en raison de leur implication patriotique en faveur du pays et ses populations. Demain, pourront y reposer éternellement :

Alain MABANCKOU, BEMBA Tostao, ZAO, le Président Pascal LISSOUBA, le Général Jean Marie-Michel MOKOKO, Jacques NDOMBA dit Géomètre, MOUTOUARI KOSMOS, YOULOU Mabiala, MINGA PEPE, Gabriel NDENGAKI, KOULINKA Solange, ainsi que les combattants de la liberté et de l'esprit. On pourra y ramener les restes des Présidents l'Abbé Fulbert YOULOU et Marien NGOUABI, Jacques OPANGAULT, Félix TCHICAYA, André MILONGO, Stéphane TCHITIELLE, Monseigneur KOMBO, MOUKILA Sayal, Jean MALONGA, Paul KAMBA, Antoine MOUNDANDA, GOTTEN, Jacques LOUBELO, TCHICAYA UTAM'SI, SONY LABOU TANSI, LETEMBET AMBILLY, Sylvain BEMBA, BEMBA Yvon dit PAMELO MOUN'KA, les Abbés NKOUNKOU, SINGA, BADILA et Eugene KAKOU, ESSOUS, NINO MALAPET, ABANGUI Raymond, BIYELA Gerry Gerard, NTALOULOU Alphonso, POUELA DU POOL, KABAKO Lambert, Saturnin PANDI, KOUKA Celestin, SAMBA Mascott, RAPHA BOUNDZEKI, Ange LINO, Maxime MATSIMA, NIANGOU dit Youandé, OBA Nicole etc. On pourra y enterrer aussi tous les congolais qui se sont distingués dans des pratiques sociales.

Cela étant, le lieu d'inhumation de MBIKI NANITELAMIO à QUEBEC dans des circonstances particulières et légitimes pose tout de même la question centrale de la perpétuation de notre mémoire en tant que socle de notre patriotisme. Il y a une frustration légitime que de constater que celui qui a rendu possible le rétablissement de notre Drapeau National sera enterré loin de la terre natale. Loin de ce pays qu'il a tant aimé et pour lequel il fit vibrer tous les cœurs lorsque, le visage frénétique et débordant de patriotisme, il entonna avec hilarité et ivresse l'hymne national à la fin de son allocution à la Conférence Nationale de 1991. Je suis triste bien que respectueux de la volonté du défunt et de sa famille. C'est une partie du Congo qui s'éloigne de nous. Une déchirure affective avec notre histoire et notre mémoire. Prenons l'exemple français, l'enfant de ce pays revisite son histoire et consolide ses repères identitaires et patriotiques toutes les fois qu'il se rend au Cimetière du Père LACHAISE en s'inclinant devant les tombes de François ARAGO, Auguste BLANQUI, Alexandre LEDRU-ROLLIN, Félix FAURE, Alphonse DAUDET, MOLIERE, Maurice THOREZ, ARCHAMBAULT, MONTAIGNE, Jean De LA FONTAINE, André MASSENA, Yves MONTAND etc. Au Panthéon, à Paris 5e, le cœur du jeune français est envahi par une grande charge patriotique et émotive au nom de la Nation lorsqu'il visite les tombes d'Emile ZOLA, J.J.ROUSSEAU, VOLTAIRE, Victor HUGO, MONTESQUIEU, AUBRAC ou SOUFFLOT.

La mort nous ramène toujours aux terres de naissance, aux origines comme commencement de notre cheminement sur terre. Elle nous y renvoie avec une rare brutalité contraignante après l'ultime appel des étoiles en dépit de nos dernières volontés. On revient aux origines, à la terre natale, comme lieu de fixation territoriale pour l'éternité. Cette éternité rend compte de l'histoire et la mémoire qui s'y rattache. Et le Congo-Brazzaville est en quête de référents identitaires présidant à la formation d'une conscience nationale, prélude à l'avènement d'un Etat démocratique et citoyen.

Notre drame en tant que congolais est immense. Et si le cimetière en tant que haut lieu de la construction de la mémoire et de sa perpétuation nous rappelait nos impasses et nos carences identitaires ? Le cas de MBIKI DE NANITELAMIO comme révélateur. Repose en Paix Cher MBIKI, combattant de la Liberté. Demain, tu retrouveras la terre natale…pour l'éternité.

Roger MVOULA MAYAMBA
Juriste

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