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Sassou : habemus sanguis droit de vérité

Congo B
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Avec la sortie des nsilulus de leurs tanières et que l’opération Mouébara semble ne pas avoir atteint son objet jamais avoué de réduire drastiquement le nombre d’habitants de la région du Pool, il faut s’attendre à une réédition de cette opération sous d’autres formes et peut-être avec d’autres acteurs.

C’est pour masquer ses déboires économiques et sa banqueroute que le pouvoir de Brazzaville s’adonne à une agitation politico-militaire intestine. Au nom de la sûreté nationale conjuguée à la paix, jure-t-il. Celle-ci, dépouillée de ces composantes essentielles notamment celle de justice et de vérité, est en fait instrumentalisée aux fins de conservation de pouvoir.

Dans la foulée, Sassou s’apprête à servir à ses concitoyens un procès stalinien des ex-candidats aux pseudos présidentielles : Jean-Marie Mokoko, Okombi Salissa … Pendant ce temps, les criminels et génocidaires du Pool toucheront leurs primes. Dès lors, les congolais désespèrent d’assister au sacre des antivaleurs et au triomphe de la médiocrité.

Avec la sortie des nsilulus de leurs tanières et que l’opération Mouébara semble ne pas avoir atteint son objet jamais avoué de réduire drastiquement le nombre d’habitants de la région du Pool, il faut s’attendre à une réédition de cette opération sous d’autres formes et peut-être avec d’autres acteurs.

En effet, la carte Ntumi apparait aujourd’hui trop usée pour que Sassou continue à l’utiliser indéfiniment. Par ailleurs, le pasteur n’est pas si bête que d’aucuns le prétendent. Il a su éviter le piège tendu par Sassou sur les prétendus accords de paix.

Son refus, espéré par Sassou, aurait servi d’alibi supplémentaire pour intensifier le nettoyage ethnique dans cette région tout en accusant l’illuminé pasteur d’être celui par qui le malheur arrive. Il aurait ainsi montré à ses détracteurs et ses éventuels bailleurs qui lui exigent un minimum d’orthodoxie qu’il se serait converti en faiseur de paix. L’acceptation de ses accords assortie de quelques conditions et exigences par Ntumi a surpris Sassou et lui a enlevé le dernier argument justifiant sa violence chronique dans cette région meurtrie.

Mais, en signant ces accords et en procédant à la sortie de ses éléments, Ntumi sait qu’il fragilise considérablement le dispositif opérationnel formant son bouclier. Mais avait-il le choix ? N’a-t-il pas tenu tête à la soldatesque du pouvoir aidée par des mercenaires étrangers et pilotes ukrainiens pendant deux ans avec ses rudimentaires moyens ? Ceci est tellement surprenant que l’on ne s’empêche pas de penser que le pouvoir et le pasteur jouent un macabre jeu dans lequel les deux protagonistes sont de mèche. Et si ce n’était qu’une réelle faiblesse de l’armée congolaise ?

Il est vrai que les deux hommes se connaissent et s’affrontent depuis deux décennies, l’un tenant l’autre. Cette fois-ci, il n’est pas exclu que le créateur politique de Ntumi décide de se débarrasser de sa fabrication « malémbement », ou à la Savimbi.

Ne sachant gouverner que par la terreur ou a minima par la peur, ce qui revient au même, Sassou a besoin d’une marionnette mystico-religieuse pour justifier sa violence dans le Pool. Le coup d’un djihadiste menaçant les intérêts français et américains n’a pas fonctionné, tout comme celui de la supposée connexion entre la rébellion de Muanda Ntsémi en RDC avec la résistance du pasteur Ntumi au Congo, ou encore la ruse sur un éventuel entêtement de l’insoumis Ntumi refusant la main tendue de Sassou. Tout cela a échoué.

Désormais, le pouvoir semble avoir trouvé sa pépinière de personnages pouvant jouer les troublions dans le milieu des Ngunzas. On voit apparaitre sur télé-Congo, appelée aussi télé foufou, des potentiels successeurs à Ntumi en cours de rodage par le pouvoir.

Sous ce vocable de Art et Culture où l’on met en scène des sympathiques personnages d’inspiration religieuse prendre leurs marques politiques, ainsi que des Matsouanistes tant décriés hier, se cache une vraie culture de violence du pouvoir. Il se construit ainsi une nouvelle armature politique avec des nouveaux acteurs sortis du néant comme ce fut le cas pour notre pasteur national.

Il est à parier qu’à la chute de Sassou, les langues se délieront. L’enjeu politique consiste donc à éviter la mutation de cette république bananière en un régime dynastique où les questions de filiation sont prépondérantes, d’une part ; et, de mettre au cœur du projet de la république les questions liées à la bonne gouvernance, à la relance économique ainsi qu’au maintien de la cohésion nationale menacée par la progression des idées séparatrices, d’autre part. Celles-ci ne relèvent guère d’une singularité congolaise.

En effet, la disparition de l’URSS a donné lieu à une nouvelle configuration politique à l’intérieur de laquelle les nationalistes et séparatistes tentent d’imposer leur vision du monde plutôt rétrograde ou, à tout le moins, de ralentir l’idéal européen.

Un demi-siècle de pouvoir autocratique d’une violence inouïe au Congo a laminé les fondements de la société congolaise. Il a semé la désolation et a mélangé les eaux des affluents du fleuve Congo au sang de ses fils.

Il n’y a pas que la Méditerranée qui soit devenue un tombeau pour la jeunesse africaine. En amont, les rivières congolaises ont emporté, malgré elles, de nombreux jeunes du Congo par la folie de nos responsables politiques (affaire du Beach …). Dans la région du Pool, pourtant locomotive du pays, depuis bientôt cinquante ans, les habitants n’en peuvent plus de pleurer tout le temps.

Nul ne peut se passer, sans frais, de la paysannerie, quels que soient ses richesses et ses talents. C’est, hélas, l’énorme gâchis que le régime a pris en méprisant la région du Pool. D’où l’équation de notre impossible développement. Il est donc essentiel que l‘Etat joue véritablement le rôle qui lui est dévolu en  garantissant la paix, afin de favoriser l’éclosion des talents à tous les niveaux.

Paradoxalement, de nombreuses accusations sur des graves violations des droits de l’homme et des crimes financiers pointent du doigt la puissance publique. Un comble. C’est la raison pour laquelle les congolais ne cessent de vomir ce régime.

Justice et vérité sont indispensables pour construire une paix durable sans laquelle rien n’est possible. Cela dépasse visiblement les autorités de Brazzaville qui ne cessent de se dérober de leur devoir de vérité et, par ricochet, sacralisent l’impunité des crimes de masse.

On note un réel contraste entre le maquis de Ange Diawara et celui du pasteur Ntumi. La différente est saisissante. Il s’agit de deux époques différentes où la perte des valeurs est considérable, marquant ainsi l’effondrement de l’Etat et la connivence des autorités politiques et administratives dans l’irresponsabilité.

Il était possible de cerner les visées réformatrices et idéologiques du mouvement dit M22, né des dissensions internes au sein du PCT à l’époque dit du monopartisme. Repliés au maquis de Goma-tsé-tsé, à quelques encablures de Brazzaville, Ange Diawara, Ikoko et leurs acolytes versèrent leur sang pour leurs idées marxistes. Il n’y eût guère de procès de clarification. Ces exécutions extrajudiciaires furent considérées comme un acte judiciaire ayant mis fin à ce Mouvement M22.

Lorsque Pierre Anga, un membre éminent de l’ex-Comité Militaire du Parti, s’essaya quelques années plus tard, à réclamer « sa part » (de pouvoir), estimant qu’il avait tué le taureau et qu’on ne lui avait donné que des sabots, il se heurta à la violence qui l’avait porté lui-même au pouvoir notamment au sein CMP. A la clé deux anciens Présidents, un Cardinal et plusieurs  citoyens versèrent un torrent de sang.

A Ikonongo, dans la partie septentrionale du pays, l’éphémère maquis de Pierre Anga fut écrasé dans le sang. Aucun procès ne fut organisé. Une fois de plus, des exécutions extrajudiciaires furent considérées comme un acte judiciaire ayant mis fin aux injonctions de ce capitaine turbulent, qui n’avait que très peu de considération pour Sassou

Après une dispute sur le tipoye à Owando, entre les partisans de Sassou et ceux de Yhombi, la violence se déporta comme par magie dans le Pool, vidant au passage les quartiers sud de Brazzaville de ses habitants. Des centaines de congolais avaient péri, sans bilan officiel ni procès. Là encore, des exécutions extrajudiciaires furent considérées comme un acte judiciaire légitimant la réinstallation de Sassou au pouvoir. Le pseudo procès de l’affaire du Beach créa, par-delà, une situation d’impunité supplémentaire.

Quant à Ntumi, il en est à son deuxième maquis sans que l’on soit véritablement convaincu de la finalité de son combat pourtant en tension permanente avec la dictature qui, elle, procède à l’élimination systématique des populations du Pool. Le pouvoir de Brazzaville est ainsi accusé de génocide. Trop de cadavres entourent le tandem Ntumi-Sassou. Autant dire que des milliers de congolais sont victimes des exécutions extrajudiciaires que le pouvoir de Brazzaville s’apprête à mettre sous le boisseau, à travers leurs accords de paix avec les représentants du pasteur Ntumi.

Entretemps, les seconds couteaux laissent filtrer quelques informations accusatrices mettant en cause le pasteur Ntumi et le pouvoir.

Dans ce contexte, le droit à la vérité devient une exigence au même titre que les droits de l’homme que les congolais réclament à cor et à cri. Non seulement, il faut châtier les responsables de tous ces crimes, mais il convient de favoriser l’accès à l’information notamment aux archives du pays et ceux du PCT et procéder aux exhumations afin de retrouver les corps des disparus. La question du devenir post mortem des victimes est centrale au deuil des populations afin que le pays puisse rebondir.

Il promettait une autosuffisance alimentaire avant l’an deux mille, on récolte une succession de banqueroutes. Il promettait une « école agréable », on récolte une école en voie de disparition, avec des effectifs stratosphériques de plus de trois cents élèves par classe, assis à même le sol. Il promettait le « chemin d’avenir », l’on débouche sur la voie des ténèbres où les cadavres se comptent par milliers, sur fond d’impunité institutionnalisée.

Lorsqu’éclata la guerre à Sarajevo, nous connaissions les mêmes affres dans le Pool. Aujourd’hui, l’on peut mesurer, par comparaison, l’incapacité des autorités congolaises à juguler une quelconque crise. En revanche, en dépit des réserves que l’on peut formuler, les autorités rwandaises ont su relever les défis qui se présentaient à elles au lendemain du génocide. Regarder Kigali au Rwanda est un exercice éliminatoire, pour le régime congolais. L’échec n’est-il pas patent pour qu'il passe enfin la main ?

Abraham Avellan WASSIAMA