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Sassou : j’y suis j’y reste

politique
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Tribune libre

Le déclin du pays est, pourtant, patent. Tout comme le sont aussi l’incompétence des dirigeants et la tyrannie qui y sévit. Mais ici, la complaisance prime sur la réalité. Par conséquent, on fait comme si … les choses allaient bien.

Il sera donc organisé à Brazzaville, des pseudo-élections présidentielles auxquelles personne ne croit. Il s’agit, en effet, d’un non-événement orchestré par des imposteurs et spécialistes des joutes urbaines que la population regarde avec dédain.

Dans sa énième Constitution, Sassou avait inscrit un organe de dialogue à la tête duquel il a nommé un responsable permanent, Mbéri Martin. Ce dernier a été purement et simplement ignoré. En orchestrant la concertation de Madingou de cette sorte, Sassou a une fois de plus violé sa propre Constitution.

Mais en face, les participants à ce dialogue ont occulté les vrais problèmes de ce pays, se contentant uniquement de leurs propres préoccupations : les pseudo-élections. Celles-ci constituent une sorte de conclave devant les réunir autour de la mangeoire à travers le maintien de Sassou à la tête du pays.

Sont-ils au courant de la misère du peuple ? De la dérive du pays ? De la banqueroute ? Des humiliations dans le pays ? Des pensions impayées ? Des bourses d’étudiants non versées ? De la faim au sein de la population ? De l’insalubrité ? …

Au fond, ayant appartenus au pouvoir régnant, ils sont interchangeables et ils méritent d’être déposés au tant que le pouvoir. Ils constituent, dans une certaine mesure, l’autre composante du pouvoir. C’est en cela qu’ils ne font réellement pas recette auprès de la population qui, elle, désabusée, attend autre chose.

Les dictateurs n’ont, généralement pas le courage d’assumer médiatiquement ce qu’ils sont. Alors, ils se parent de la rhétorique des démocrates tout en exerçant une extrême répression dirigée contre ceux qui n’obéissent pas au doigt et à l’œil. Ils s’accrochent à la tête du pays sans projet de société réel. La pure mégalomanie XXL.

Dans le cas du Congo-Brazzaville, la confiscation de l’appareil étatique et celle de son sommet constituent aussi un bouclier scaphandrier de protection vis-à-vis de nombreux crimes de sang et de haute trahison commis. Tout le sait.

L’on ne se méfiera jamais assez des dirigeants d’une république bananière se livrant à une opération appelées « élections présidentielles ». Il s’agit, comme le montre l’histoire postcoloniale congolaise, d’une mascarade visant à donner, le temps d’une saison, l’illusion d’une démocratie avérée.

En faisant bégayer l’histoire, le régime de Brazzaville, connu pour son caractère dictatorial et sa longévité multi-décennale, se croit invincible et propriétaire perpétuel du pays. Une position si enivrante que le pouvoir se veut dynastique. Mais, ce pouvoir qui s’étire le temps, finira bien par s’écrouler et mourra de son propre poison.

Bien que parcellaires et dispersées, les forces de progrès, occultées par une opposition inopérante issue de ce même régime, se doivent de penser l’après Sassou. Au-delà de l’incertitude du temps, cette échéance est inéluctable du fait de la déroute économique du pays, de la dilapidation des richesses par le clan et de l’accumulation des humiliations sur le plan social.

Une saison au Congo de Sassou est un tragique retour dans le passé esclavagiste où l’on est réduit à se partager le même espace que les « maîtres », racketeurs, bourreaux et geôliers. Ici, l’effondrement de l’Etat semble avoir été pensé pour mieux assujettir les citoyens. L’unique différence qui distingue ce régime de l’Etat colonial c’est sa composition formée essentiellement d’autochtones à la solde du colon et du capital, bref un comptoir colonial. Ironie de l’histoire ! On se croirait même à l’époque ante-coloniale de l’esclavage !

Assurément, ce ne sont ni le bureau des pleurs de la dictature congolaise, à savoir le FMI, mur des lamentations du régime en place, ni la banque mondiale qui colonisent ce pays ; mais bien le clan au pouvoir, un clan dépourvu de patriotisme, et une élite préfabriquée, corrompue elle aussi par l’attrait du capitalisme. Le peuple est sous le joug d’un colonialisme national.

Jamais dans l’histoire du Congo notre société sera passée de la fin du salariat à l’état d’indigénat de ses citoyens, comme c’est le cas sous ce régime. La valeur du travail a disparu, la culture des dons est à son apogée. On vole les deniers publics pour en distribuer quelques miettes à ceux que l’on a affamés. Peu de gens se nourrissent désormais du fruit de leur labeur.

Réduits à la mendicité, au vagabondage et à l’oisiveté, les congolais errent dans leur pays sans véritablement comprendre les raisons de leur sort, ni saisir le sens de leur condition humaine. Maintenus volontairement dans l’ignorance, seuls les réflexes de survie pourraient leur ôter le voile de l’obscurantisme savamment entretenu par les imposteurs qui les gouvernent.

Si une révolution reste une option salutaire pour nos concitoyens, celle-ci, pour se réaliser, a autant besoin d’hommes de femmes informés et conscients du sens de l’histoire et de l’amour du pays qui seraient capables d’incarner la révolte. C’est là qu’apparait le fondamental rôle de l’école dans la formation et la prise de conscience nécessaire pour inverser le rapport des forces entre le peuple et la dictature. Le pouvoir de Brazzaville avait très tôt compris les risques encourus avec une jeunesse formée. D’où ses coups de boutoirs dans l’éducation et le saccage de l’école.

La désorganisation de l’école est pensée et utilisée comme un élément essentiel du maintien de la population dans l’ignorance et la médiocrité. Que peut valoir une école où les élèves du primaire sont entassés à plus de trois cents par classe ? Parents et adultes, où en êtes-vous dans votre rôle d’éducateurs ? Où regardez-vous, pendant que vos enfants se prostituent au sein des institutions devant les instruire ?

La vidéo qui circule en ce moment sur les réseaux sociaux montre ce qu’est devenue l’école au Congo. La bêtise, dans sa forme la plus dépravée, a atteint le cœur même du système éducatif congolais. Une réalité affligeante.

 

Ce pays, maculé de sang, est à sauver. Par le sang du Cardinal Emile Biayenda, il fut souillé. Par le sang des innocents de l’affaire du Beach, il fut souillé. Par le corps de l’ancien Président livré aux lions du Parc zoologique, il fut souillé. Par les bombardements des paisibles populations du Pool, il fut souillé. La souffrance endurée par les congolais est considérable et très profonde.

Comme la structure du pouvoir de Brazzaville interdit l’émergence des nouvelles mœurs politiques au Congo, il appartient aux congolais, eux-mêmes, de renverser la table, d’inverser le rapport de force et de se libérer. La liberté est une conquête.

Abraham Avellan WASSIAMA

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