A travers ce discours, Sassou Nguesso, couteau à double-tranchant, a ainsi tendu aux uns et aux autres la verge pour se faire battre. Comme s’il redoutait de poser son cul sur la pointe d’un canif, l’homme du 5 février 1979 a fait l’impasse sur la question de la modernisation des institutions.
Tribune libre
Dans l’art de brouiller les pistes, Sassou Nguesso est un maître. Dans la manipulation, Sassou Nguesso est un seigneur. L’éclatement de lafratrie des Kolelas, le maintien du second couteau de Kolélas/père ; Bernard Tchibambeléla ; du MCDDI au gouvernement et l’éviction de Guy Brice Parfait Kolelas, l’isolement ainsi que la marginalisation deMavoungou Zinga Mabio au sein du RDPS et la nomination au poste deministre des Hydrocarbures de Jean Marc Thystère Tchicaya en sont la
parfaite illustration. Dans l’art de gagner du temps et de blesser les cœurs, Sassou Nguesso n’a pas d’équivalent. Et, dans laprocrastination, Sassou Nguesso est un orfèvre. Au Congo-Brazzaville donc, en matière institutionnelle, le jeu du chat et de la souris sepoursuit. Le tyran a du mal à trancher.
Tabou
Le discours de Sassou Nguesso le 12 août 2015 a laissé tout le monde sursa faim. Le mot « referendum » n’a pas été sorti de la bouche deSassou Nguesso, à la grande déception des adeptes du changement de laConstitution du 20 janvier 2002 et à la satisfaction temporaire des partisans du « non ».
A travers ce discours, Sassou Nguesso, couteau à double-tranchant, a ainsi tendu aux uns et aux autres la verge pour se faire battre. Comme s’il redoutait de poser son cul sur la pointe d’un canif, l’homme du 5 février 1979 a fait l’impasse sur la question de la modernisation des institutions qui tient l’establishment politique du Congo-Brazzaville enhaleine. En matière onstitutionnelle, Sassou Nguesso suscite l’attenteet le désir. L’attente et le désir des épigones du « chemin d’avenir » qui souhaitaient de la part de Sassou Nguesso l’annonce officielle de ladate du referendum, provoquant ainsi la déception et une forme dedémobilisation dans les rangs de ceux qui sont prêts de dégainer leurpoignard pour le changement de la Constitution.
Alors que l’histoire leur a mis le couteau sous la gorge, dans le campdes jusqu’au-boutistes du changement, l’inquiétude se répand comme unfeu de brousse. Le cache-cache de Sassou Nguesso commence à lasser.
Tortue à double carapace, on ne sait pas de quel côté le roublard vasortir la tête. La valse-hésitation de Sassou Nguesso finira-t-elle parconvaincre les camarades membres du PCT qui rongeaient leur frein quantà la tentation de quitter le bateau ivre tels les rats ? Va-t-elleaccélérer le mouvement de prise de distance et de démission inauguré parCharles Zacharie Bowao, André Okombi Salissa, Benoît Moundélé Ngolo,Serge Blanchard Oba, Gabriel Oba Apounou, Etienne Mokondjimobé et plus récemment Grégoire Lefouoba et Gabriel Banaganzala ? Le duel au sabre débuté par le philosophe Bowao est en train de provoquer une hémorragiedes cadres du parti.
Impasse
Dans un exercice de gargarisme lexical, le 12 Août 2015 devant unparterre de parlementaire toute ouïe, Sassou, après le fiasco dudialogue de Sibiti et le succès du dialogue de Diata/Brazzaville, a aiguisé un message à la nation truffé de contre-vérités sur le plansocioéconomique et poignardé la vérité en passant sous silence ladécennie 1980 marquée par la crise de l’endettement et (leur corollaire) les programmes d’ajustement structurels (PAS).
L’intervention au Congo-Brazzaville du Fonds Monétaire International(FMI) et de la Banque mondiale (le couteau sur les lèvres), a été laconséquence de la mauvaise gestion des finances publiques par l’administration Sassou Nguesso.
Envolée de la dette
Après que Sassou ait acéré les griffes du vol et de la corruption,c’est sous sa magistrature que le Congo-Brazzaville a connu de gravesdérapages des finances publiques ayant conduit à l’adoption des PAS àla fin des années 1980 et postulé à l’éligibilité au statut payspauvres très endettés (PPTE) sous l’égide du FMI et de la Banquemondiale en 2009. Vers la fin des années 1970, la dette extérieure du Congo s’élevait à 150 milliards de francs CFA. L’endettement total en 2006 en pourcentage du PIB s’élevait à 133% soit 9, 2 milliards de dollars ; plaçant la consommation des Congolais sur le fil du rasoir.
Comble du paradoxe, à cette époque, la dette qui était passée de 150 milliards de francs CFA en 1979, à 1500 milliards, en 1985) a étéprésentée comme salutaire pour notre économie. Avec leur accent à couperau couteau, la dette fut désignée comme un puissant facteur de développement par les épigones. C’est non sans joie que l’on peutconstater la blessure aux doigts des économètres de Sassou. Pensez quece qui fut considéré, hier, comme un remède, est devenu, à la fin desannées 1980, un casse-tête.
Vertige
La dimension de la dette donne le vertige. De 1980 à 1990, le montant dece que le Congo-Brazzaville devait a été multiplié par deux, alorsque pour la même période, ce pays a bénéficié d’une manne financièretirée de l’exploitation pétrolière sans précédent. On en perd son latin.C’est du chinois.
Négociation des accords liés à l’annulation ou à la réduction de ladette du Congo-Brazzaville vis-à-vis de ses partenaires bilatéraux etmultilatéraux faisait partie des Actions du Fonds monétaire international (FMI) qui ont conduit cepays d’Afrique centrale au point d’achèvement de l’Initiative PPTE (Payspauvres très endettés). Le Congo-Brazzaville a bénéficié de l’effacementde la part de la France, l’Italie, l’Allemagne et les Etats-Unis d’aumoins 90% de sa dette dont l’encours total était estimé à environ 2750milliards de Francs CFA en 2004 par le FMI. Fort du soutien de la Chine, son nouveau créancier, en dépit du statut PPTE et du silence de SassouNguesso lors du plaidoyer pro domo, la dette du Congo-Brazzavillepoursuit son envol.
Alors qu’il est du mauvais côté du manche du couteau, Sassou Nguessofranchira-t-il la ligne rouge selon l’expression d’André Okombi Salissa? Renoncera-t-il définitivement au projet de changement de laConstitution comme l’y invite le président béninois Yayi Boni ? Qu’il la change ou non, la Constitution va le blesser à tous les coups : le vrai couteau à double-tranchant c’est elle.
Benjamin BILOMBOT BITADYS